La rentrée 2019 – Qu’en disent les médias?

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13 septembre 2019

Lily Polowin, coordinatrice des communications, Fédération des sciences humaines


Depuis mon arrivée à la Fédération le 31 mai dernier (c’est-à-dire le premier jour du Congrès 2019), je suis attentivement ce que disent les médias au sujet des études post-secondaires au Canada. En ce début de trimestre, voici un résumé de ce qui rend la rentrée 2019 si unique. Bonne lecture!

Pour plusieurs, l’équité et la représentation dans le milieu universitaire sont des priorités en cette période de rentrée. En effet, le Programme des chaires de recherche du Canada a récemment mis à jour ses pratiques en matière d’équité en fixant des cibles plus ambitieuses à l’égard des groupes traditionnellement marginalisés qui viseront à tenir compte de leur représentation au sein de la population plutôt que de leur nombre dans le bassin d’embauche. Selon les experts en matière d’équité comme Malinda Smith, l’argument selon lequel la diversité va à l’encontre de l’excellence repose exclusivement sur un stéréotype négatif. Les nouvelles cibles suivront une approche intersectorielle et utiliseront des données ventilées afin de relever les besoins particuliers.

La prédominance de ce sujet de discussion ne se limite pas au secteur des sciences humaines. Au Canada, certaines écoles de médecine, comme celle de la University of Manitoba, ont ajouté une section à leur formulaire de demande afin de mieux comprendre dans quelle mesure la situation socioéconomique des étudiants les avait défavorisés dans leur demande d’admission. Le nouveau formulaire vise à corriger les inégalités en attribuant une valeur numérique à certaines réponses. Les résultats obtenus jusqu’ici sont encourageants : dans une récente cohorte de diplômés, plus de la moitié des étudiants étaient des femmes, 10 pour cent étaient des Autochtones, 20 pour cent provenaient de milieux ruraux, et 50 pour cent étaient issus de familles ayant un revenu inférieur à 75 000 $. Pour sa part, la Queen’s University a décidé d’offrir aux étudiants de médecine de première année un nouveau cours d’histoire qui révèle que l’université a autrefois interdit l’admission d’étudiants noirs. L’université a d’ailleurs récemment présenté ses excuses pour cette discrimination qui a persisté de la fin de la Première Guerre mondiale jusqu’en 1965. Le cours, judicieusement intitulé Who gets to be a doctor? (« Qui peut devenir médecin? ») a pour objectif de sensibiliser les futurs médecins à la discrimination raciale qui a marqué l’histoire de l’université. En outre, le groupe d’experts Lord Dalhousie en matière d’esclavage et de racisme de la Dalhousie University vient de publier un rapport sur l’héritage de Lord Dalhousie en matière d’esclavage et de racisme. C’est la première fois qu’une université canadienne examine cette facette de son histoire. Ce rapport contient d’ailleurs des recommandations de mesures que la Dalhousie University pourrait prendre en réponse à son passé.

Au total, 31 dirigeants d’établissements post-secondaires à l’échelle canadienne ont participé à la conférence « Perspectives on Reconciliation » qui a eu lieu dans trois villes du Yukon en août. Les participants ont pu y découvrir de nouvelles façons d’intégrer les connaissances et l’histoire autochtones dans leur établissement. Il a notamment été suggéré de réexaminer les politiques susceptibles de faire obstacle aux étudiants autochtones, de promouvoir l’intégration de la culture autochtone aux échelons supérieurs et d’accroître le nombre d’étudiants et de professeurs autochtones. Certaines universités semblent déjà être sur la bonne voie. La Thompson Rivers University à Kamloops offre un programme d’étude primé intitulé Knowledge Makers (« Créateurs de savoir »), qui a pour objectif d’inciter les étudiants autochtones à mener des travaux de recherche selon les méthodes autochtones. Le programme, qui comprend un volet de premier cycle et un autre destiné aux cycles supérieurs, a accueilli plus de 65 étudiants depuis 2015.

À l’approche des élections fédérales, les étudiants se mobilisent pour faire entendre leurs préoccupations. Quelque 46 associations étudiantes canadiennes uniront leurs forces en vue de publier une lettre ouverte demandant aux partis politiques fédéraux de prendre leurs revendications en considération, notamment un soutien accru envers les étudiants autochtones, la suppression des intérêts sur les prêts aux étudiants et la mise en place de programmes visant à aider les étudiants à s’intégrer au marché du travail. Ces revendications sont particulièrement émouvantes en Ontario, où de récentes coupures au Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario contraignent certains à abandonner temporairement leurs études. Le gouvernement Ford a récemment lancé une initiative permettant aux étudiants de ne pas payer certains frais connexes, ce qui oblige les associations étudiantes qui dépendent de ces frais à faire campagne pour persuader leurs camarades de les maintenir à flot. Il semble que les étudiants n’ont pas la vie facile à l’heure actuelle. En effet, le nombre d’étudiants de niveau post-secondaire ayant eu recours à des services de soutien en santé mentale a augmenté de 35 pour cent dans 13 établissements entre 2011 et 2015. Certaines universités accroissent même leurs investissements dans les services de santé mentale gratuits dans le but de répondre à la demande.

Au Québec, certains réclament une formation obligatoire pour les professeurs au cégep, estimant que l’obtention d’un baccalauréat ou d’une maîtrise dans une discipline donnée ne fournit pas aux diplômés les compétences pédagogiques nécessaires pour devenir de bons professeurs. L’entrée en vigueur prochaine du projet de loi 21 signifie que malgré une pénurie d’enseignants à l’école publique, les politiques du gouvernement empêcheront certains candidats qualifiés d’occuper un poste en raison du port de signes religieux. Sur une note plus optimiste, les nouvelles sont bonnes pour les Franco-Ontariens : le gouvernement de l’Ontario et le gouvernement fédéral ont signé un accord longuement attendu approuvant la création d’une université francophone en Ontario : l’Université de l’Ontario français.

Les étudiants étrangers qui arriveront à l’aéroport Pearson cette année seront accueillis par les membres du personnel de Destination Ontario, qui se trouvaient à leur place il n’y a pas si longtemps. Certains auront la chance de participer à des programmes d’hébergement en famille d’accueil où ils pourront bénéficier d’une riche expérience culturelle. De leur côté, des étudiants étrangers du Manitoba s’organisent pour faire pression auprès du futur gouvernement provincial pour qu’il rétablisse la couverture médicale internationale abolie en 2018. En outre, l’organisme Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) vient lui aussi en aide aux étudiants étrangers en offrant chaque année jusqu’à 130 places à des étudiants réfugiés. Contrairement à bien d’autres procédures d’immigration, ce programme offre automatiquement aux étudiants le statut de résident permanent, leur donnant ainsi la chance de s’établir au Canada après leurs études. Du côté fédéral, le gouvernement Trudeau a annoncé un nouveau plan visant à diversifier la population d’étudiants étrangers, dont la majorité provient actuellement de la Chine et de l’Inde, et à les encourager à s’installer dans de petites villes canadiennes.

Certains universitaires se sont joints à un mouvement visant à limiter les déplacements en avion afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, dont Ryan Katz-Rosene, président de l’Association canadienne d’études environnementales (membre de la Fédération). Selon une récente étude, les professeurs de l’Université de Montréal parcourent en moyenne 33 000 km par an dans le cadre de leurs recherches. Les déplacements en avion sont l’une des sources de CO2 croissant le plus rapidement, et c’est pourquoi le mouvement contre le transport aérien continue de prendre de l’ampleur.

Deux nouveaux programmes offerts à la Western University permettent de former les étudiants aux cycles supérieurs et les employeurs sur la façon de combler l’écart entre les études et le travail. Une étape indispensable dans cette optique est d’apprendre à expliquer les compétences de base en langage clair, ce qui est pertinent, car la motivation, la capacité d’adaptation et d’autres compétences générales sont souvent des facteurs déterminants dans le choix d’un candidat, même pour les postes qui exigent des compétences techniques. Comprendre votre propre style de collaboration peut vous aider à définir vos objectifs de carrière postuniversitaire.

Après tout, la lutte pour l’équité et la représentation n’aurait pas sa raison d’être si tout le monde bénéficiait des mêmes occasions et résultats. Espérons que la prédominance de ces sujets dans les médias cette année annonce une nouvelle ère qui nous permettra de rompre le cycle où les privilèges sont synonymes (de manière visible et invisible) de réussite.