Plaider pour le financement de la recherche en SH en 2025

Introduction | Nos recommandations | Conclusion

Plaider pour le financement de la recherche en SH en 2025 

En prévision de l'annonce du budget fédéral de 2025, la Fédération a soumis un document de consultation prébudgétaire contenant quatre recommandations inspirées par notre communauté. Les sciences humaines (SH) jouent un rôle central dans la résolution des enjeux sociaux, technologiques, environnementaux et culturels systémiques de notre époque. Un écosystème de recherche solide fournit le cadre nécessaire pour relever ces défis, fournir des perspectives et susciter des changements significatifs pour les Canadiennes et les Canadiens. 

Malgré ce rôle essentiel, les disciplines des SH continuent de recevoir une part démesurément faible du financement fédéral de la recherche. Afin de bâtir un écosystème de recherche équilibré et prêt pour l'avenir, le gouvernement du Canada doit consacrer au moins un tiers des investissements en recherche des trois organismes et des initiatives nationales connexes aux SH.

Pourquoi est-ce important : 

  • Les sciences humaines sont l'un des trois piliers fondamentaux du financement fédéral de la recherche, aux côtés des sciences naturelles et de la santé
  • Les disciplines des SH représentent une part importante du corps professoral, des étudiant.e.s aux cycles supérieurs et des programmes universitaires au Canada
  • La recherche en SH a une incidence transversale qui influence les conditions sociales, culturelles, éthiques et institutionnelles qui façonnent et stimulent l'innovation inclusive, tout en développant les talents et les capacités critiques nécessaires pour la diriger et la soutenir
  • La confiance du public dans la recherche en SH reste forte (sept Canadiens sur dix ont appuyé l'investissement fédéral dans la recherche en SH pendant la crise financière de 2008)

 

Nos recommandations 

1. Augmenter la part allouée aux SH pour qu'elle atteigne au moins un tiers  

À la suite d'une longue période de mobilisation et de consultations auprès des milieux concernés, le gouvernement fédéral a annoncé, dans son budget de 2024, des augmentations du financement de la science, de la recherche et de l'enseignement post-secondaire. Ces engagements, bien qu'accueillis favorablement, ne constituent qu'un soulagement temporaire pour un système historiquement sous-financé. Le gouvernement fédéral doit s'attaquer au sous-investissement structurel dans les SH afin de garantir que les systèmes de recherche du Canada soient en mesure de répondre aux priorités nationales. 

Le financement des conseils subventionnaires fédéraux est resté pratiquement inchangé entre 2008-2009 et 2018. Malgré une légère augmentation en 2018, l'analyse indique que l'inflation a depuis érodé la plupart, sinon la totalité, de ces gains, tirée d'une analyse environnementale réalisée en 2025 par Higher Education Strategy Associates (HESA) pour la Fédération. 

Graphique linéaire illustrant les dépenses des conseils subventionnaires en matière de recherche (CRSH, CRSNG, IRSC, Fondation canadienne pour l'innovation) de 2001-2002 à 2022-2023, en millions.

Cette situation est aggravée par le fait que la part du CRSH est restée inférieure à 15 % pendant trois décennies, bien en deçà de la répartition théorique de 40-40-20 préconisée dans le rapport sur l’examen du soutien fédéral aux sciences (2017). Étant donné que le CRSH est l'un des trois conseils subventionnaires fédéraux, un objectif de financement proportionnel d'au moins un tiers est justifié et nécessaire (Figure 2.0).

Cette allocation garantirait que les disciplines SH sont dotées de ressources suffisantes pour faire progresser l'innovation inclusive, le développement de technologies éthique et les politiques publiques fondées sur des données probantes, tout en soutenant des objectifs plus larges en matière d'équité grâce à des investissements dans la recherche autochtone et francophone, y compris des initiatives dirigées par les Autochtones et élaborées conjointement, fondées sur la souveraineté des données et l'autodétermination. 

Graphique illustrant les dépenses totales des conseils subventionnaires par conseil (CRSH, CRSNG, MRC/IRSC) de 1975 à 2016, en pourcentage.

Remarque : Notre analyse des tendances en matière de financement de la recherche dans cette figure exclut le Fonds de soutien à la recherche (FSR) - anciennement le Programme des coûts indirects (PCI) - puisqu'il ne soutient pas directement les chercheur.euse.s. Il fournit plutôt un financement direct aux établissements afin de les aider à défrayer les coûts associés à la gestion du financement de la recherche par les trois conseils subventionnaires (c.-à-d. l'électricité et le soutien administratif).  

Source : ISED 

2. Positionner les sciences humaines comme moteurs essentiels de l'innovation  

Grâce à leurs approches axées sur la société civile, les expert.e.s en SH offrent des perspectives uniques sur bon nombre de questions urgentes au Canada. Ces enjeux exigent des approches centrées sur l'humain et fondées sur des valeurs afin de faire progresser une innovation significative et éthique, et les disciplines des SH doivent être intégrées à toutes les étapes du programme de recherche et d'innovation du Canada. Alors que le gouvernement fédéral s'efforce de renforcer la recherche et l'innovation dans des domaines d'intérêt national, les disciplines des SH doivent être pleinement intégrées au processus. 

À l'heure actuelle, dans des domaines tels que l'IA et la technologie quantique, où les progrès façonnent rapidement la vie quotidienne, seule une petite partie des 2,4 milliards de dollars consacrés par le Canada à la recherche en IA est consacrée à la compréhension des implications sociales. Cette approche qui privilégie les STIM au détriment des considérations sociétales augmente le risque de préjudices et d'occasions manquées. Un exemple révélateur : les communautés autochtones n'ont pas été suffisamment consultées lors du déploiement de l'internet et sont toujours confrontées à des obstacles disproportionnés en raison de cette fracture numérique.

Les disciplines des SH sont la plus grande source de talents postsecondaires au Canada, formant les futurs fonctionnaires, innovateur.trice.s, décideur.euse.s, éducateur.trice.s et chef.fe.s de file communautaires. Les domaines des SH comptaient plus de 1,16 million d'étudiant.e.s (plus de la moitié de l'ensemble des inscriptions dans le postsecondaire) en 2021-2022, soutenus par le plus grand groupe de professeur.e.s du pays. Compte tenu de leur rôle essentiel dans l'élaboration de solutions adaptables, éthiques et ancrées dans la société, ces disciplines ne peuvent être négligées ou sous-financées.

Des investissements soutenus permettent au Canada de relever les défis en constante évolution grâce à des innovations qui servent l'intérêt public. 

3. Investir dans une infrastructure nationale de libre accès.  

Le libre accès est fondamental pour atteindre l'objectif du Canada de rendre la recherche publique accessible dans le monde entier. Malgré des engagements politiques tels que la Feuille de route pour la science ouverte en 2020, les chercheur.euse.s sont toujours confronté.e.s à des frais de publication élevés, à des infrastructures limitées et à un accès inégal. Les chercheur.euse.s en début de carrière, les groupes méritants en matière d'équité et ceux et celles qui publient en français ou dans des langues autochtones sont les plus touché.e.s par ces défis. Pour les chercheur.euse.s en SH en particulier, les livres savants et les monographies restent des vecteurs essentiels de diffusion de la recherche; pourtant, ils ou elles sont souvent exclu.e.s des cadres de financement et des politiques en matière de libre acc;s. Pour respecter ses engagements, le Canada doit investir dans une stratégie nationale coordonnée de financement et d'infrastructure pour le libre accès. 

Sans un volet dédié au libre accès pour les publications savantes de plus long format, le Canada risque de laisser un vide critique dans la manière dont la recherche financée par des fonds publics atteint le reste monde. En réduisant les obstacles financiers et techniques, l’investissement national dans l’accès libre élargira l’accès mondial à la recherche canadienne et garantira que les connaissances financées par des fonds publics profitent à tou.te.s les Canadien.ne.s.

Les modèles de libre accès doivent fournir des ressources aux éditeur.trice.s communautaire.s, aux plateformes basées dans les bibliothèques et aux initiatives de libre accès « diamant ». Cependant, sans financement et infrastructure adéquats, la publication en libre accès reste coûteuse, fragmentée et inéquitable.

Un soutien ciblé est nécessaire pour les chercheur.euse.s méritant l'équité, ainsi qu'un alignement sur les principes de souveraineté des données autochtones et des mesures visant à accroître la visibilité et l'impact de la recherche en français. Ces mesures permettraient de donner suite aux recommandations du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes et de garantir que les systèmes de connaissances canadiens reflètent toute la diversité du pays. 

4. Accroître le soutien dédié aux recherches autochtones et en français.  

Les communautés autochtones continuent de faire face à des obstacles disproportionnés en matière de financement et d'accès à la recherche, et la recherche en français reste chroniquement sous-financée au Canada. Les investissements fédéraux récents, notamment 30 millions de dollars sur trois ans pour la participation des Autochtones à la recherche et de nouveaux flux de financement pour la recherche en français, constituent des avancées importantes, mais pour avoir un impact durable, ces engagements doivent être mis en œuvre en partenariat avec les communautés concernées.  

En ce qui concerne la recherche autochtone, une collaboration pleine et entière avec les communautés inuites, métisses et des Premières Nations est essentielle pour garantir que le financement corresponde à leurs priorités et fasse progresser les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. Le respect de la souveraineté des données autochtones, de l'autodétermination et des approches de l'éducation et de la recherche dirigées par les Autochtones est au cœur de ce travail. Il est essentiel de débloquer ces fonds sans délai afin de remédier aux inégalités historiques et de mettre en place des systèmes de recherche qui reflètent les connaissances et les valeurs autochtones.

En ce qui concerne la recherche en langue française, des initiatives fédérales telles que le nouveau Fonds d'appui au secteur postsecondaire et aux savoirs scientifiques en français du ministère du Patrimoine canadien contribuent à combler une lacune de longue date dans le soutien à la recherche francophone. Alors que le gouvernement fédéral s'efforce d'augmenter le financement de la recherche en français, au moins un tiers des fonds et des possibilités devraient être consacrés aux chercheur.euses.s en SH francophones, car ils o uelles jouent un rôle essentiel dans la préservation de la langue et de la culture, le renforcement de la participation démocratique et la promotion de l'équité sociale. Des investissements soutenus permettront à la recherche autochtone et francophone de prospérer et de contribuer pleinement au paysage canadien de la recherche et de l'innovation. 

Conclusion

La Fédération demande au gouvernement du Canada de garantir les éléments essentiels à un écosystème de recherche et d'innovation florissant en :  

  1. donnant suite à ses investissements pour 2024 dans la prochaine génération de chercheur.euse.s au Canada et en remédiant au sous-financement structurel des SH
  2. s'engageant à faire participer et à soutenir de manière significative l'expertise en SH en matière de priorités nationales de recherche et d'innovation
  3. mettant en place une approche nationale coordonnée du financement du libre accès
  4. renforçant le soutien à la recherche autochtone et à la création et à la diffusion des connaissances en français  

Fort d’un leadership fédéral accru et d’investissements renforcés pour les chercheur.euse.s en SH, notre pays peut devenir un chef de file mondial dans l'économie du savoir et assurer un avenir meilleur à toute la population canadienne.   

Lire le rapport complet

Crédits 

  • Figure 1.0 - Usher, A., & Balfour, J. (2024). The State of Postsecondary education in Canada, 2024. Toronto : Higher Education Strategy Associates.
  • Figure 2.0 - Investir dans l'avenir du Canada : consolider les bases de la recherche au pays. 2017. L’examen du soutien fédéral aux sciences.