La pandémie est-elle réellement sans précédent ?

Balado
15 novembre 2022

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Description

Le 30 janvier 2020, l'Organisation mondiale de la santé a déclaré l'épidémie de Covid-19 une urgence de santé publique de portée internationale à la suite de la découverte d'une épidémie de coronavirus 19 à Wuhan en novembre 2019. Le 11 mars, la situation a été qualifiée de pandémie, conduisant de nombreux pays à travers le monde à instaurer des mesures de confinement pour freiner la propagation de la maladie. 

Aujourd'hui nous parlons de la pandémie de Covid-19, une crise sanitaire souvent décrite comme étant « sans précédent », mais l'est-elle vraiment? Gabriel Miller est rejoint par Madeleine Mant, professeure adjointe en anthropologie à l'Université de Toronto afin d'explorer cette question à travers le prisme de pandémies passées. 

À propos de l'invitée

Headshot of Madeleine Mant

Madeleine Mant Phd. MSc. BA est professeure adjointe en anthropologie à la faculté des arts et des sciences de l'Université de Toronto. Ses recherches portent sur les inégalités en matière de santé dans les groupes marginalisés ou institutionalisés à travers le temps et en utilisant des ensembles de données bio-anthropologiques, des archives, des enquêtes et des entretiens. Ses recherches actuelles portent notamment sur la morbidité des enfants dans les hôpitaux britanniques du XVIIIe siècle, sur une mise en en évidence des expériences de santé dans les registres des prisons et des hospices du XIXe siècle, et sur une étude longitudinale des expériences des jeunes adultes et de leur confiance dans les vaccins lors de la pandémie du Covid-19. 

Mant a une formation théâtrale qu'elle a pratiquée comme activité extrascholaire pendant ses études supérieures, et qu'elle utilise maintenant pour créer des costumes thématiques pendant les cours, ce qui, selon elle, permet de mieux impliquer les étudiant.e.s et de centrer les expériences humaines individuelles dans le cadre d'événements historiques plus vastes.

Elle est diplômée de l'Université McMaster et a bénéficié d'une bourse de recherche postdoctorale Banting du CRSH à la Memorial University.

 

Madeleine Mant dans les nouvelles

  • Os brisés - Memorial University gazette (en anglais seulement)
  • Les leçons d'une année sous couvertures : comment le masque est passé du statut de protection découragée à celui de symbole politisé de la pandémie - Toronto Star (en anglais seulement)
  • Les leçons pandémiques de la colonie de Terre-Neuve à l'époque du choléra - CBC (en anglais seulement) 

[00:00:00] Gabriel Miller : Bienvenue au balado Voir grand, où nous discutons avec d’éminents chercheur-e-s au sujet de leurs travaux portant sur certaines des questions les plus importantes et les plus intéressantes de notre époque. Je m’appelle Gabriel Miller et je suis président et chef de la direction de la Fédération des sciences humaines. Aujourd’hui, nous allons parler de la pandémie de COVID-19, une crise sanitaire qu’on a souvent qualifiée de sans précédent. Mais l’est-elle vraiment?

[00:00:32] Madeline Mant, professeure adjointe d’anthropologie à l’Université de Toronto, se joint à moi pour examiner cette question à travers le prisme des pandémies passées. J’espère que cette discussion vous intéressera. 

[00:00:48] Vous enseignez un cours sur l’anthropologie de la santé, et je me demandais si, demain, je décidais de reprendre  mes études et de m’inscrire à ce cours, quels genres de sujets pourrais-je m’attendre à discuter et quelles matières j’étudierais dans votre cours? 

[00:01:05] Madeleine Mant : Eh bien, vous devriez tout d’abord vous attendre à passer un bon moment, ça, je peux vous l’assurer. Alors, l’anthropologie de la santé fait partie de la filière de l’anthropologie de la santé que nous développons à l’Université de Toronto, à Mississauga.

[00:01:15] Donc, ce cours est essentiellement la porte d’entrée pour accéder au reste de la filière de l’anthropologie de la santé. Revenons à la question. Les racines de la biomédecine. Nous discutons de l’idée de la biomédecine occidentale. D’où vient-elle? Nous la considérons comme une forme d’ethno-médecine, qui n’est pas nécessairement la seule forme de médecine qui existe.

[00:01:31] Elle ne l’est certainement pas. Donc nous creusons des sujets comme le régime alimentaire, la nutrition. Nous parlons des maladies infectieuses. Je consacre deux semaines complètes là-dessus, ainsi que sur la croissance et le développement, les concepts de stress et de race sociale. Comme nous discutons de la santé mentale, il s’agit de faire en sorte que les étudiant-e-s s’appuient sur leurs propres expériences en matière de soins de santé pour commencer à penser, à problématiser des mots comme santé et maladie, maladie et bien-être, et à réfléchir à ce qu’ils/elles peuvent faire avec ça.

[00:01:57] Gabriel Miller : Quand je lis à votre sujet, ce qui ressort de façon évidente, c’est que vous êtes une personne qui a vraiment saisi pleinement les occasions qui se sont présentées à elle afin de pouvoir poursuivre ses passions et ses intérêts en tant que chercheuse et enseignante, y compris si l’on regarde rapidement votre compte Instagram, qui témoigne de votre passion qui est de porter en cours des costumes d’époque.

[00:02:22] Quand vous repensez aux années écoulées, quelles sont les décisions que vous avez prises qui vous ont conduites à ce parcours professionnel?

[00:02:31] Madeleine Mant : Je pense que vous avez déjà la réponse. Les costumes tiennent une grande place dans mon parcours. J’ai toujours été une enfant de la comédie musicale, et donc pendant toute ma scolarité, j’ai eu la chance de « … ». À plusieurs moments charnières, j’ai pensé, dois-je essayer de suivre des cours de théâtre ou dois-je obtenir un diplôme en anthropologie?

[00:02:45] Et j’ai réalisé que je pouvais faire les deux. En continuant à jouer la comédie, je pourrais continuer à faire entrer le théâtre en cours dans le cadre de ma véritable passion qui est l’histoire et l’anthropologie. J’ai donc eu la chance de mener une carrière grâce à laquelle, dans le cadre de la recherche et de l’enseignement ainsi que de certains services que je rends, j’ai la possibilité d’introduire dans mon cours des pièces de théâtre avec des costumes d’époque.

[00:03:03] J’ai suivi une formation en archéobiologie. J’ai d’abord travaillé en archéobiologie et en paléopathologie, deux domaines où on étudie la santé et la maladie dans les restes de squelettes humains provenant de sites archéologiques et historiques. Mais ma passion pour le côté historique de ce sujet a eu comme conséquence que j’ai commencé à passer beaucoup de temps dans les archives à étudier l’histoire de la médecine, à examiner ce type de documents primaires et à réfléchir de nouveau à certaines de ces mêmes questions, qui a accès aux soins de santé? Comment cela s’incarne-t-il, littéralement, dans les os, mais aussi comment cela se traduit-il en matière de traces de vies humaines que l’on peut trouver dans les archives? Et puis cela m’a aussi amenée à l’anthropologie médicale. En fait, j’analyse les systèmes médicaux dans lesquels les gens se trouvent.

[00:03:42] Donc je me déguise vraiment en cours. Si vous veniez au cours d’anthropologie de la santé, vous verriez que j’y vais décennie par décennie. Alors, je commence en 1908 et finis dans les années 2000 au cours du semestre d’automne, et nous discutons des progrès réalisés en matière de santé publique à travers le temps. Nous discutons de sujets, comme par exemple, comment en sommes-nous arrivés à avoir du lait pasteurisé?

[00:04:00] Qu’est-ce que la Ligue canadienne de la santé et quelle était sa raison d’être? En quoi consistait-elle et pourquoi n’existe-t-elle plus de nos jours? Nous discutons des fondements du Guide alimentaire canadien. Nous parlons aussi des ceintures de sécurité qui n’ont pas existé pendant longtemps et qui aujourd’hui font partie intégrante de notre système juridique. Il s’agit donc d’introduire ces notions. Qu’est-ce que la santé publique?

[00:04:15] Parce que je pense que cela aide vraiment les étudiant-e-s à commencer à comprendre que la santé publique est une réalité de tous les jours dans leur propre vie, qu’elle est présente partout, qu’ils en soient conscient-e-s ou non. Et aussi à quel point nous sommes proches dans le temps de quelque chose qui peut nous sembler relever plutôt du passé. Il y a tellement de leçons que nous pouvons tirer de ce qui vient de se produire.

[00:04:33] Donc, tout ça m’aide à présenter en cours ma passion pour la mode vintage. Et en même temps, je pense que c’est très utile parce qu’au début du semestre, les étudiant-e-s, vous savez, me verront dans ces longues robes de style Titanic, ce genre de style Adrian, et cetera, et cela détonne. On me dévisage beaucoup quand je vais en cours, mais dès que nous arrivons dans les années 1950 et 1960, mes vêtements sont de nouveau à la mode.

[00:04:54] Et donc je pense que ça les aide vraiment à comprendre que ça vient juste d’arriver, et de nombreux étudiant-e-s de retour chez eux parlent de ça avec leurs parents ou demandent à leurs grands-parents, qui ont tous des histoires au sujet de maladies, de mandats gouvernementaux, et cetera, je pense que ça les aide vraiment à faire le lien avec leurs propres vies.

[00:05:10] Beaucoup d’étudiant-e-s de la UTM sont les premiers de leur famille à aller à l’université. Nous avons beaucoup de Canadien-ne-s de première génération, alors je mets l’accent sur des histoires du Canada. Mais pensez à ce que cela signifie pour vous. S’il vous plaît, allez parler à vos familles et demandez-leur ce qui se passait peut-être dans votre pays d’origine à cette époque.

[00:05:24] Et cela commence à amener ce concept de santé globale sans peut-être l’étiqueter comme tel par les étudiant-e-s. 

[00:05:29] Gabriel Miller : C’est tellement intéressant et agréable de vous entendre parler de cet aspect de votre travail. J’ai vraiment l’impression qu’il est pertinent au vu de l’expérience que nous avons vécue avec la COVID, parce qu’il y a une tendance ou peut-être l’idée qui nous fait penser que la lutte contre une pandémie ne concerne que des personnes en blouse de laboratoire qui font de la science, entre guillemets.

[00:05:51] Madeleine Mant : Oui.
Gabriel Miller : Et bien sûr, c’en est un élément essentiel, mais ce que nous avons constaté, c’est qu’il y a des contributions essentielles d’un grand nombre d’autres disciplines dans nos universités. Et que la façon dont ces informations, ces connaissances sont partagées avec les gens est « … ». Peut-être aussi importante que la production de ces connaissances en premier lieu, ou du moins une composante vraiment essentielle de toute réponse efficace.

[00:06:18] Je pense aux milliers, probablement, d’universitaires en sciences humaines qui poursuivaient des recherches dans leurs propres domaines, comme vous le faisiez, et qui ont été projetés en mars 2020 dans une discussion urgente dans notre société. Lorsque soudain, les questions auxquelles il fallait répondre sur les plans historique, culturel, social, économique et, bien sûr médical, ont toutes tourné autour de cette pandémie.

[00:06:50] Que vous rappelez-vous de votre ressenti, de vos pensées pendant ces deux mois, au début de 2020? Quand cela se profilait à l’horizon, et puis quand ça nous est tombé dessus.

[00:07:01] Madeleine Mant : Je me souviens que l’université nous a donné des directives et nous a dit que si cela devait arriver tôt, vers la mi-mars, et que si quelque chose arrivait, il serait bon d’avoir un plan en place pour le reste du semestre.

[00:07:13] Et puis deux jours plus tard, nous avons reçu un courriel nous disant, appliquez ce plan. J’espère que vous aviez un plan. C’est maintenant qu’on doit rentrer à la maison. Et c’était très déstabilisant. Je le sais, ça a vraiment désorienté beaucoup d’étudiant-e-s que les relations que nous avions nouées en cours, soudainement, se sont poursuivies en ligne. Mais il y avait un sentiment de confiance que je ressentais, dans mon parcours universitaire.

[00:07:31] Je me sentais du côté des étudiant-e-s, j’ai dit, ça va aller. Vous n’allez pas soudainement échouer à votre cours parce que nous ne pouvons plus être ensemble dans la salle de cours. À cette étape, je me suis dit que je pouvais être une leader dans ce petit espace pour aider ces personnes en particulier. D’un point de vue personnel, mon conjoint est médecin, donc c’était terrifiant.

[00:07:47] Je pensais, je me demandais quand on va commencer à blâmer les gens. Je me demandais quand les gens vont commencer à fuir. Je me demandais quand la hiérarchie des classes sociales allait soudainement se manifester de façon évidente. Et puis toutes ces choses ont commencé à se produire. Et alors que le vaccin a été développé, j’ai pensé, je me suis demandé quelle célébrité nous allions voir se manifester.

[00:08:08] Et ça a été Tom Hanks. Tom Hanks a eu la COVID. Ensuite, un certain nombre de célébrités ont pris la parole pour promouvoir le vaccin, et j’ai pensé alors à tous ces événements, en particulier au type d’effets sociaux que nous avons commencé à voir apparaître. Il y a un précédent à cela. C’était une période vraiment compliquée sur les plans personnel et professionnel pour tout le monde, pour essayer de comprendre ce qu’allait être notre quotidien.

[00:08:26] Comment puis-je faire mon travail? Comment puis-je vivre ma vie de manière responsable, et comment puis-je faire le tri dans l’énorme quantité d’informations qui circulent tout en m’assurant que j’assimile réellement ce que j’entends et que j’y réfléchis de manière critique? 

[00:08:37] Gabriel Miller : Et donc, mars 2020 n’a pas été seulement le début de la pandémie, ça a été aussi le début de notre besoin d’entendre le mot « sans précédent » 

[00:08:46] au moins une douzaine de fois par jour. Absolument. Et une partie de notre rétablissement de cette pandémie, je crois, consiste à se remettre de la sursaturation de ce mot, mais je ne crois pas qu’il soit possible d’échapper au fait que l’une des questions qui persiste encore pour beaucoup de Canadiens est dans quelle mesure cette expérience était sans précédent?

[00:09:10] En quoi cet événement et cette expérience étaient-ils uniques? Et bien sûr, il est important d’y répondre parce que notre capacité à tirer des leçons des pandémies précédentes et de celle-ci aura beaucoup à voir avec la façon dont nous  mènerons les autres défis dans l’avenir. Alors quand vous entendez parler de crise sans précédent, quelle est votre réaction à cette description?

[00:09:36] Madeleine Mant : En général, chaque fois que j’entends le terme « crise sans précédent », je pense qu’il faut toujours en discuter avec un historien. Nous devrions peut-être aller en parler avec un archéologue. Le terme « sans précédent » a commencé à être associé à la COVID presque immédiatement, donc vous avez raison. Nous avons entendu ce mot tellement de fois, et on m’a souvent posé la question, la COVID est-elle sans précédent?

[00:09:58] Cette période de pandémie est-elle sans précédent? Et je pense toujours, oui et non. Mais je crois qu’au cours des deux dernières années, nous avons certainement assisté à une coopération internationale d’une ampleur sans précédent, ce qui a été merveilleux. Nous avons pu constater que la vitesse de diffusion de l’information est de plus en plus rapide, et nous savons que de nombreux gouvernements ont pris des mesures sans précédent dans leur propre 

[00:10:20] histoire pour restreindre les mouvements des personnes. Nous avons vu dans certains endroits des effets économiques sans précédent et des hôpitaux dont les besoins étaient d’un niveau sans précédent, et cetera. Je pense donc que tout dépend du contexte, en général, je dirais que presque tous les effets sociaux que nous avons observés sont sans précédent. Non, ce n’est pas sans précédent.

[00:10:37] À partir du moment,  où vous poser des questions plus compliquées, comme par exemple, pour qui est-ce sans précédent? Où et quand, dans cette échelle temporelle, parlons-nous de ce qui est spécifiquement sans précédent dans notre réponse personnelle à ces périodes actuelles de pandémie? Donc, dire que quelque chose est sans précédent « … », ou votre propre durée de vie, cela devient plus intéressant et plus précis parce que les effets sociaux de cette pandémie particulière 

[00:11:00] ont précédé l’étude de ces épidémies historiques; je pense qu’ils peuvent fournir des outils vraiment utiles pour prédire, comprendre, contextualiser, et je crois qu’avec un peu de chance, il sera possible d’agir, de réfléchir à ces effets, de prendre des mesures qui seront à la fois individuelles et collectives.

[00:11:17] Gabriel Miller : Lorsque vous regardez et réfléchissez à

[00:11:20] d’autres événements historiques, et des comparaisons ont été faites, surtout avec la grippe de 1918, et d’autres aussi. En réfléchissant donc à cette expérience et en vous appuyant sur vos connaissances historiques, quels parallèles vous sautent aux yeux entre ce que nous avons vécu ces dernières années et d’autres événements historiques?

[00:11:43] Madeleine Mant : Alors, que s’est-il passé avant?

[00:11:45] Je pense à quelques mesures que nous avons déjà vues. Nous avons vu l’obligation d’être vacciné, et ce, dès le 19e siècle pour la variole, et le recours à la quarantaine à travers les époques. Nous avons vu aussi les masques de protection. Nous avons vu les vaccins et les passeports sanitaires. Nous avons vu des situations où il y a eu un grand nombre de décès qui semblent ensuite tomber dans la mémoire collective.

[00:12:08] Nous avons assisté au déploiement d’efforts massifs pour, je cite, « revenir à la normale aussi vite que possible ». Nous avons vu le blâme et l’humiliation des gens qui semblent être différents, ou dont la nationalité ou le comportement perçu ou le mode de vie signifient qu’ils doivent faire face à une stigmatisation importante. Et il y a des choses négatives là-dedans, bien sûr, et une certaine forme d’intervention courante

[00:12:28] de la part du gouvernement. Mais beaucoup de choses se sont déjà produites auparavant, et l’examen de maladies spécifiques peut donc être un très bon moyen de repérer les thèmes déjà vus. Dans quelle mesure cela a-t-il pu toucher les gens? Je crois que cela peut aussi aider les individus à mettre en contexte l’idée que les essais de vaccins, par exemple, ne sont pas tout à fait nouveaux, et d’où vient la référence absolue?

[00:12:48] Et vous dites, parlons de Jonas Salk et de l’histoire de la polio. Il y a, il y a souvent des pierres de touche qui, à mon avis, peuvent être très fortes pour les personnes qui, dans le contexte des vaccins, hésitent à se faire vacciner. Et puis, je pense aux personnes qui se sentent peut-être un peu à la dérive et peut-être seules ou isolées, et qui se posent la question, suis-je le la seul-e à me sentir comme cela?

[00:13:09] Je sais que certain-e-s de mes collègues disaient lorsqu’ils perdaient certaines exigences relatives au masque, sommes-nous des Cassandre? Allons-nous simplement courir dans tous les sens et essayer, et dire qu’on pense que quelque chose de terrible va arriver, mais que personne ne va écouter l’avertissement, ou allons-nous être capables de tirer parti de certaines de ces leçons de manière à aider? 

[00:13:26] Et je parle à mes étudiant-e-s, je dis, si ce que vous retenez de ce cours est « … ». Je veux que vous réfléchissiez de manière critique à ces informations. Je veux que vous votiez, et je veux que vous ne ressentiez jamais que votre action individuelle ne sert à rien, ces actions sont importantes et les actions individuelles s’ajoutent à l’action collective dont nous avons besoin.

[00:13:43] Je crois que cela pourrait être assez vain, mais comment pouvons-nous tirer parti de ce que nous avons appris pour aller de l’avant vers une société qui, je pense, pourrait mieux valoriser l’égalité et les personnes vulnérables et marginalisées, et nous assurer que nous ne faisons pas seulement des études qui nous disent que les gens font face à des conséquences pires pour leur santé, mais que nous travaillons activement pour réduire ces conséquences pour la santé.

[00:14:11] Gabriel Miller : J’aimerais vraiment m’en tenir à ce que vous venez de dire sur l’équité, et cela me fait penser aux aspects visible et invisible. Dans une crise comme celle de la COVID, le virus est invisible. Mais nombre de ses effets sont évidemment très visibles et très tangibles, et l’une des questions importantes à poser est celle de savoir quels sont les problèmes que nous voyons et ceux que nous ne voyons pas?

[00:14:42] Quels sont les problèmes qui attirent l’attention et ceux qui sont ignorés? J’aimerais avoir votre avis sur cette épidémie, mais aussi sur certains d’autres exemples que vous avez mentionnés, notamment celui de la polio. De quelles façons les questions liées à l’équité et à la diversité ont-elles été touchées? Notre réponse à ce genre de crises. Je crois. 

[00:15:09] Madeleine Mant : J’aimerais peut-être faire le lien avec l’histoire de la variole, si vous êtes d’accord pour me suivre sur ce sujet, parce que la variole est une maladie que nous avons éradiquée, et elle constitue par conséquent un parfait exemple de coopération internationale et de compréhension des divers contextes dans lesquels la variole « … ».

[00:15:25] Elle touchait encore des populations entre le milieu et la fin du 20e siècle. La variole est ainsi liée, je crois, à certains de ces thèmes, car elle est clairement associée au développement de choses comme les tests médicaux et le consentement éclairé, ainsi qu’à l’histoire de la vaccination. Et je pense que lorsque vous parlez de la visibilité, c’est ce qui m’a fait penser à cela, parce que la variole est une maladie très visible.

[00:15:45] C’est une maladie, comme vous le savez, grave, et très contagieuse. La variole présente des symptômes semblables à ceux de la grippe, et cetera. Mais ensuite surviennent des éruptions et des cloques qui peuvent toucher tout le corps des personnes infectées, et elles laissent de profondes cicatrices chez la plupart des individus. En raison de la maladie. Et donc une personne qui avait des cicatrices de variole vous signifiait qu’elle était immunisée contre la variole de par ses cicatrices, mais aussi qu’elle avait été infectée et avait survécu.

[00:16:07] On n’en est pas certain, c’est sans doute pour cette raison que la reine Élisabeth Ire portait un maquillage aussi épais, parce que nous savons qu’elle avait de petites cicatrices et nous avons remarqué cette ancienne maladie. Nous avons plusieurs momies égyptiennes qui montrent des marques de cloques sur leur visage. C’est donc quelque chose qui aurait été compris, de sorte que cela n’aurait pas nécessairement bouleversé quelqu’un de vraiment différent.

[00:16:25] Mais quand nous commençons à nous interroger sur la façon de gérer ces différences « … ». C’est en fait vraiment contenu dans des questions liées à l’Empire britannique et au colonialisme parce que cette variation de terme est la première méthode qui a été utilisée pour immuniser les personnes contre la variole, quelque chose ayant des racines profondes. En Asie. Il y avait une femme nommée Lady Mary Wortley Montague, épouse de l’ambassadeur britannique, et qui elle-même avait été profondément marquée par la variole, et elle avait peur que ses enfants l’attrapent, mais elle « … ».

[00:16:51] En Turquie, en 1717, grâce aux fonctions de son mari, a appris l’existence de l’inoculation et a essayé de l’introduire en Grande-Bretagne, et donc vous commencez à voir se développer ce mouvement. Mais bien sûr, une femme d’un statut social élevé ramenant cette idée, elle est très impressionnée. Elle a fait inoculer son fils de cette façon, retourne à Londres.

[00:17:09] Une grave épidémie de variole sévissait à Londres, et le Collège royal des Chirurgiens et des médecins est très « … ». À propos de ce concept, parce que vous pouvez avoir l’impression de, je veux dire, si vous le nommez tout simplement racisme, mais nous pouvons aussi percevoir un peu de xénophobie, mais cette question est aussi, est-ce assez bon pour les classes supérieures?

[00:17:26] Donc vous commencez à vous poser ce genre de questions, ces questions liées à l’équité se posent immédiatement. Donc le Collège des chirurgiens dit « d’accord , nous sommes intéressés par cela ». Nous aimons l’idée de ne pas, que les gens ne meurent pas de la variole, mais ils disent, nous devons tester la procédure. Sur qui testez-vous la procédure? Vous la testez sur des gens qui n’ont aucun droit.

[00:17:42] Ils vont donc voir les condamnés à mort de la prison de Newgate et disent : « Si vous – et je cite – vous prêtez volontaires pour notre étude et que vous êtes prêts à vous faire inoculer, si vous vivez, vous serez libres. » Aussi la question du consentement et du consentement éclairé est très importante, bien sûr. Et ils se sont portés volontaires, six prisonniers se sont portés volontaires.

[00:18:02] Ils ont tous promis qu’ils n’avaient jamais eu la variole auparavant. Ils sont tous passés par ce procédé d’inoculation. Cinq d’entre eux ont commencé à développer les symptômes de la variole et ont finalement été considérés comme immunisés. La sixième personne n’a pas développé les symptômes de la variole parce qu’elle avait menti et qu’elle l’avait déjà eue. Mais cela a permis de montrer, un peu comme dans une enquête cas-témoins, qu’une fois immunisé, vous l’êtes vraiment.

[00:18:22] Et donc, ils ont tous survécu. Ils ont tous été libérés. Beaucoup de grandes histoires ici. Mais que leur est-il arrivé après? Certains d’entre eux ont fini par aller en Australie, bien sûr. Mais cette question. Comment pouvons-nous procéder à des tests pour qu’ils soient assez bons pour les personnes d’un certain statut? Ce sont des questions vraiment intéressantes, et elles sont liées aux notions de race, de statut et de classe, et tous ces aspects intéressants que, je pense, nous oublions lorsque nous avançons, maintenant nous avons un vaccin, nous savons qu’il est sûr, nous pouvons avancer.

[00:18:46] Nous devons penser aux gens qui ont été « … ». Dans ce cheminement. Ainsi, nous pouvons donc parler de l’équité des vaccins au 21e siècle, mais aussi réfléchir aux essais médicaux, à l’équité à travers les époques. Tout n’a pas commencé avec une femme blanche ramenant quelque chose en Grande-Bretagne, bien sûr. Mais cette action particulière, cette action individuelle met en branle beaucoup d’autres choses.

[00:19:04] C’est une démarche très intéressante d’étudier les problèmes d’équité et de diversité tout au long, je pense à travers les époques, mais particulièrement en ce qui concerne les questions liées aux maladies, c’est certain. 

[00:19:12] Gabriel Miller : Et comme nous allons aborder la question du vaccin, et de la vaccination « … ». C’est un rappel très utile qu’il y a la conversation que nous avons en ce moment, et puis aussi toutes sortes de bagages que ces idées et ces réponses transportent avec elles sous des formes différentes dans notre société.

[00:19:37] Je pense que cette pandémie restera dans les mémoires pour ce qui est du dialogue autour du vaccin. Mais bien sûr, il restera bien plus que cela, mais j’ai l’impression que le vaccin est, d’une part, porteur de nos espoirs de voir une fin à cette épidémie et aussi une réponse médicale vraiment remarquable à ce défi. Et en même temps, la réalisation.

[00:20:03] À la fois qu’un vaccin repose sur la confiance et sur la volonté des gens de se le faire administrer, mais aussi qu’il ne s’agit pas d’une solution miracle, que le virus continue à muter et à évoluer, et que là, on ne peut pas simplement écarter les autres mesures si on veut le contenir. Vous avez fait « … ». Un travail vraiment opportun, à l’Université de Toronto pour examiner les questions relatives aux attitudes à l’égard d’un vaccin avant même que celui-ci ne soit disponible.

[00:20:39] Pouvez-vous nous parler un peu de cette recherche?

[00:20:41] Madeleine Mant : Dans ce sondage en particulier, nous avons effectivement enregistré, du moins à ma connaissance, les toutes premières données sur les perceptions qu’avaient les jeunes adultes sur ce qui se passait. Nous avons commencé notre sondage en mars 2020. Et nous avons réalisé que c’était un instantané qui devait se poursuivre.

[00:20:57] Nous l’avons refait en juin 2020, en septembre 2020, puis deux fois en 2021, et plus récemment au printemps 2022. Nous avons donc obtenu deux années de données à ce sujet, et nous avons commencé pendant le deuxième sondage en juin 2020 à poser des questions de manière plus active sur les vaccins. Aussi, notre objectif à travers cela, en enquêtant et en interviewant « … ».

[00:21:19] Avant que les vaccins ne soient disponibles, pendant qu’ils étaient testés, et ensuite une fois qu’ils étaient disponibles pour le public, était de poser des questions sur la volonté des jeunes adultes de recevoir un vaccin. Parce qu’il y a beaucoup de recherches qui ont été menées avec des étudiant-e-s qui font des études universitaires. De nombreuses recherches suggèrent une connaissance assez faible concernant les vaccins, une adhésion vraiment faible au vaccin contre la grippe saisonnière parmi les étudiants.

[00:21:39] Et de nombreuses études antérieures qui se sont penchées sur la provenance des informations, ont pu montrer dans de nombreux cas que l’influence parentale est un facteur vraiment déterminant pour prédire si un-e étudiant-e ou un jeune adulte se fera vacciner ou pas. Aussi, nous avons poursuivi, nous avons posé des questions sur la gravité perçue de la situation.

[00:21:55] Si les étudiant-e-s connaissaient quelqu’un qui avait eu la COVID ou eux-mêmes ou quelqu’un de leur entourage. Se sentaient-ils à risque de l’attraper? S’étaient-ils déjà fait vacciner contre la grippe saisonnière, et cetera? Il s’agissait donc en grande partie de données quantifiables, et nous avons constaté que les perceptions de la gravité étaient un facteur statistiquement significatif de la volonté de se faire vacciner.

[00:22:13] Ainsi, les étudiant-e-s qui disaient « Oui, je pense que c’est très grave » étaient statistiquement plus susceptibles de dire « Oui, je serais prêt à me faire vacciner », ce qui était très logique. Le fait qu’un-e étudiant-e ait été personnellement touché ou non par la COVID a été un facteur significatif de la volonté de se faire vacciner. Et le plus intéressant pour moi, c’est que les étudiant-e-s qui ont dit qu’ils feraient confiance aux conseils d’un médecin ou d’un pharmacien, étaient 76 fois plus susceptibles de dire qu’ils se feraient vacciner que ceux qui ont dit qu’ils/elles n’étaient pas réllement prêt-e-s à écouter un médecin.

[00:22:38] Il s’agit donc d’une donnée importante, qui nous permet de savoir qui les gens écoutent et comment ils se sentent. Mais c’était vraiment l’expérience de l’entretien. Pour en revenir à mon ressenti en faisant ces recherches « … ». L’expérience des entretiens a été très révélatrice pour moi, parce que les entretiens ont apporté beaucoup de nuances, nous discutions avec environ 20 ou 30 jeunes adultes qui avaient des avis bien différents sur les vaccins.

[00:23:01] Aussi, nous avons rencontré des personnes qui étaient inquiet-e-s à propos des essais, d’autres qui étaient inquiet-e-s par rapport aux éventuels effets secondaires, mais qui envisageaient tout de même de se faire vacciner lorsque le vaccin serait disponible. Les individus nous racontaient qu’un membre de leur famille pouvait être très opposé au vaccin, mais qu’ils/elles s’étaient eux-mêmes fait vacciner en secret parce qu’ils/elles étaient conscient-e-s qu’ils ne pourraient peut-être pas retourner dans leur établissement scolaire ou qu’il y avait des membres à haut risque dans leur famille.

[00:23:24] Il y a des cas où les gens aidaient un ami à se faire vacciner, car ce dernier avait peut-être eu un parent anti-vaccination, vous savez. Il y a donc eu ce développement vraiment intéressant de prise de décision individuelle concernant les comportements de santé. C’était très différent des conclusions parentales que nous avions vues au cours de la période pré-COVID.

[00:23:42] Il est donc devenu évident que nous devions poser ces questions concernant les comportements en matière de santé. Et à propos de ces choix, car beaucoup de gens disaient « je vais me faire vacciner parce que je ne veux pas avoir la COVID ». Une très grande autoprotection est une raison parfaitement valable, mais nous avons constaté aussi beaucoup d’altruisme, beaucoup d’individus   qui parlaient de personnes de leur propre famille.

[00:23:59] L’idée que je ne veux pas blesser quelqu’un d’autre parce que j’ai une interaction avec quelqu’un au travail. Alors que la majorité des étudiant-e-s avaient l’intention de se faire vacciner, des préoccupations nuancées concernant l’efficacité et la sécurité du vaccin étaient vraiment importantes. Mais l’idée est aussi que nous devons vraiment veiller à ce que la famille, les médecins, les pharmaciens et les autres travailleurs de la santé de première ligne aient accès à des informations cohérentes et claires concernant les avantages, parce que cela va être essentiel pour encourager l’adoption chez les jeunes adultes.

[00:24:25] Certains ont même mentionné qu’ils avaient reçu un courrier du gouvernement canadien qui disait « C’est sans danger, faites-vous vacciner. » Ils nous ont dit « Je me suis senti offensé par cette injonction. Je n’aime pas qu’on me dise ce que je dois faire. » Cela m’a vraiment permis d’être réellement plus ouverte et plus empathique en tant que chercheuse pour mieux apprécier les nuances et pour penser, bien sûr, à l’importance de certaines de ces données longitudinales.

[00:24:44] Parce qu’il y avait des personnes que nous avons interviewés deux ou trois fois, certain-e-s d’entre eux nous ont dit « Pas question, je ne me ferai pas vacciner. » Et puis un an plus tard, ils nous ont dit « Ah oui, je me suis fait vacciner. Et j’ai aussi fait la dose de rappel. » Et en creusant un peu les raisons pour lesquelles ils avaient changé d’avis, c’était un peu la pression des pairs, un peu à cause d’une obligation.

[00:24:56] D’autres ont lu un peu plus sur le sujet ou en ont parlé avec d’autres personnes, des personnes de confiance dans leur vie. Donc, creuser le comment et le pourquoi est très important. Un sondage a été réalisé avant la pandémie, qui posait des questions sur la confiance à l’égard des vaccins, et je pense qu’environ 5 % d’entre eux, au Canada « … ».

[00:25:11] 5 % avaient déclaré être totalement contre toute vaccination, mais environ 20 % ont exprimé une réticence générale, et je pensais que c’était important. Ainsi, 25 % de l’ensemble des personnes ayant répondu à ce sondage en particulier, posaient de grandes questions et, plutôt que de dire que c’est nous contre eux, ce qui n’améliore aucune situation.

[00:25:30] Il est important d’être accueillant avec les gens durant ces conversations, et le fait de creuser ces deux dernières années auprès de ces jeunes adultes m’a vraiment ouvert les yeux sur ce spectre, qu’il y a des gens qui vont prendre une décision pour toute une série de raisons différentes. Et donc explorer de façon plus approfondie ce type de modèles de protection, la théorie de la motivation, et le modèle des croyances relatives à la santé, et quels en sont les obstacles?

[00:25:49] Ce sont des cadres de travail importants parce que, encore une fois, que faisons-nous de ces informations? C’est bien beau pour moi de discuter avec ces étudiants, mais que faisons-nous de ces informations? Il s’agit de responsabiliser les travailleurs de la santé. Il s’agit de créer des campagnes de santé publique. Elles sont vraiment destinées à atteindre ces personnes parce que dans notre sondage, nous avons aussi posé des questions portant sur l’utilisation des médias, et les individus, les étudiants ont déclaré essentiellement ceci : « Nous utilisons les médias sociaux  le plus souvent pour les informations courantes et les informations liées à la COVID. »

[00:26:13] Ce sont les médias sociaux  qui nous rendent le plus anxieux et c’est en eux que nous avons le moins confiance. En comparaison à la radio ou à d’autres médias plus classiques. Ça m’a semblé vraiment important. Ce document qu’on est en train de rédiger. Maintenant, cette idée que nous utilisons une chose en laquelle nous n’avons pas confiance, mais que nous utilisons le plus souvent, et que nous sommes conscients que nous allons continuer à l’utiliser.

[00:26:29] Donc il ne s’agit pas seulement de faire en sorte que les organismes de santé aient des images Instagram à la présentation élégante. Il s’agit de savoir comment construire ce genre de confiance dans les médias qui sont également utilisés. 

[00:26:38] Gabriel Miller : Vous avez commencé à parler tout à l’heure de certaines des choses que vous espérez que vos étudiant-e-s emportent avec eux lorsqu’ils auront fini votre cours sur l’anthropologie de la santé, y compris le vote, ce que j’ai trouvé très intéressant et important dans cette liste.

[00:26:55] Imaginons que vous vous préparez à partir en voyage, que vous montez à bord d’un avion, que vous êtes assise à côté du ministre fédéral de la Santé et qu’il est de façon inattendue d’humeur à bavarder, et qu’il aperçoit certaines des lectures que vous avez avec vous, et qu’il se tourne vers vous et vous demande franchement, avec confiance, complaisance, commodité.

[00:27:20] Où devrions-nous porter notre attention en premier lorsque nous entamons une conversation au sujet d’une meilleure préparation aux pandémies dans l’avenir?

[00:27:33] Madeleine Mant : Je pense que pour une question comme celle-là, je citerais certainement le Dr Mike Ryan, qui est directeur exécutif chargé du Programme de gestion des situations d’urgence sanitaire de l’OMS, qui très tôt, alors que le vaccin était en cours de développement, a dit, je cite : « vaccine is no good in the vial (le vaccin n’est pas bon dans le flacon) », ce qui me semble être un aspect très important.

[00:27:51] Donc si le vaccin est dans le flacon, cela signifie que le vaccin a subi énormément de tests. Et donc pour améliorer la confiance, nous devons être vraiment transparents sur ce à quoi ressemblent les essais du vaccin. On pourrait raconter aux gens l’histoire de Jonas Salk au cours des essais de 1954. Ce qui voudrait dire étudier en détail cette histoire.

[00:28:08] On pourrait aussi expliquer aux gens à quoi ressemble un test à l’aveugle ou ce qu’est un placebo, et de leur faire acquérir ainsi des connaissances scientifiques. Donc, je crois que je dirais probablement que nous devons d’abord aborder la question de la confiance. Il est nécessaire de parler de la culture scientifique. Nous devons ici aborder la question de la confiance entre le patient et son médecin.

[00:28:23] La confiance peut être détruite chez chaque personne. Je pense que c’est par là qu’il faut commencer, car si les gens ne sont pas prêts à envisager la possibilité de se faire vacciner, la proximité de la clinique par rapport à leur lieu de travail ou à leur domicile ne sera pas nécessairement un facteur important. Mais une fois que les gens se sentent en confiance, alors je crois que tout se résume à cette commodité.

[00:28:43] Nous devons dire aux individus qu’il va leur être disponible, et nous pouvons bâtir, ou peut-être essayer de combattre une partie de cette complaisance au milieu des choses, mais il doit y avoir une confiance à l’égard du produit lui-même. Et cela signifie que nous devons parler de transparence en matière de santé publique. Nous devons rendre les données sur les essais scientifiques plus clairs.

[00:29:00] Parce que même les grandes synthèses qui sont produites sont vraiment difficiles à comprendre. Même pour quelqu’un qui lit beaucoup sur le sujet, cela peut être vraiment accablant. On devrait aussi commencer à parler du risque de la vaccination d’une manière plus active et réfléchir à ce que représente une chance sur un million. Et vraiment commencer à préciser ce que cela signifie pour les gens et aussi être vraiment clair au sujet de « … »

[00:29:20] parler directement des théories du complot, plutôt que de dire que c’est stupide et de les balayer de la main. Commencez à dire, d’où cela vient-il? C’est le côté des sciences sociales tout ça, non? Creuser? D’où est-ce que ça vient? Comment pouvons-nous aider les gens à ne pas tomber dans des pièges logiques ou dans de fausses vérités? Je vais, je pense que je ramènerais la personne à la confiance d’abord, et ensuite, si j’avais l’oreille de quelqu’un comme ça, je demanderais combien de temps dure ce vol?

[00:29:41] Est-ce la porte à côté? Allons-nous en Grande-Bretagne? Comme il y a, il y aurait tellement de choses sur lesquelles discuter, sur la façon de présenter les connaissances scientifiques et en matière de santé dans les écoles. Il ne faut pas seulement un ministre de la Santé, il faut aussi un ministère de l’Éducation. Vous devez avoir chaque, devez avoir tout le cabinet dans l’avion à mes côtés pour vraiment commencer à parler de ça.

[00:29:56] Et je crois que c’est pour cette raison que j’ai mentionné des choses comme le vote, c’est que parfois je pense que nous pouvons nous sentir si impuissants, que notre propre éducation n’est qu’une chose, mais « … ». Chaque vote compte. Une action individuelle compte. Nous avons besoin de cette action individuelle pour dépasser la complaisance et la fatigue engendrées par cette pandémie, que nous avons tous ressenties parce que nous sommes tous humains, mais que ce sont des histoires humaines, que la biomédecine est un système fait par l’humain.

[00:30:18] Les choses sont faillibles, et ce n’est pas un échec de le dénoncer. Ce n’est pas un échec d’analyser et de réfléchir à d’autres choses qui pourraient être meilleures. Mais je pense que la meilleure façon d’échouer est de ne pas nous poser de questions, de commencer et puis d’arrêter de nous en soucier. 

[00:30:30] Gabriel Miller : Vaccine is no good in the vial (le vaccin n’est pas bon dans le flacon). Ce sont les mots que je retiendrai de cette conversation, ainsi que plusieurs autres choses dont nous avons parlé.

[00:30:39] Avez-vous un dernier mot à nous dire? Quelque chose que vous pensez vraiment important de communiquer à notre public et que vous n’avez pas encore eu l’occasion de dire?

[00:30:47] Madeleine Mant : Il y a un point essentiel que je souhaite toujours que mes étudiant-e-s retiennent, et si les auditeurs-trices peuvent également retenir une chose de cette conversation, c’est que les épidémies de maladies infectieuses, épidémies ou pandémies, nous aident à faire une radiographie de la société, et je m’appuie pour avancer cela sur les travaux de chercheurs extraordinaires qui ont beaucoup travaillé sur les anciennes épidémies. Les problèmes que nous voyons

[00:31:09] pendant une pandémie étaient là avant. Cela devrait nous faire réfléchir lorsque nous posons des questions d’éthique, d’autonomie corporelle, de protection et de santé, de sentiment de honte et de culpabilité, de stigmatisation et de victimisation des personnes marginalisées. Il y a des précédents à cela. Des études ont été réalisées dans le passé et qui sont très pertinentes pour aujourd’hui, et essayer de revenir à la normale, entre guillemets, devrait nous faire réfléchir parce que cette normalité présentait bon nombre de ces problèmes qui étaient sous-jacents et qui ont été juste mis en évidence.

[00:31:38] Nous parlons des droits des travailleurs, nous parlons du racisme. Il y a tellement de choses qui se passent dans le monde et auxquelles on devrait être attentif. Selon moi, une énorme catastrophe sanitaire mondiale ne devrait pas être nécessaire pour que nous commencions à réfléchir à ces problèmes. Alors, regardez à une échelle locale, regardez à une échelle individuelle ce que vous pouvez faire, mais rappelez-vous aussi que nous devons continuer à évoluer et à changer, que nous pouvons apprendre du passé, mais que cela n’est utile que si nous en tirons parti pour créer un meilleur avenir.

[00:32:07] Gabriel Miller : Merci d’avoir écouté le balado Voir grand et mon invitée, la professeure Madeleine Mant. La docteure Mant est professeure adjointe d’anthropologie à  l’Université de Toronto. Vous pouvez suivre ses Plague Doctor Adventures (Les aventures de la docteure Peste) sur Instagram à Plague Doctor Time. Je tiens également à remercier nos amis et partenaires du Conseil de recherches en sciences humaines

[00:32:28] dont le soutien contribue à rendre ce balado possible. Enfin, je remercie Cited Media pour son soutien dans la production de ce balado intitulé Voir grand. Pour écouter d’autres épisodes, suivez-nous sur Spotify, Apple Podcast et Google Podcast. À la prochaine.

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