De l’impuissance à l’autonomie : évolution culturelle et enjeux identitaires des minorités canadiennes-françaises

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8 août 2017
Auteur(s) :
Laurent Poliquin, membre du Centre for Research in Young People’s Texts and Cultures de l’Université de Winnipeg et du Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) de l’Université d’Ottawa

À l’origine, c’est la littérature pour la jeunesse qui a motivé la recherche qui a mené à De l’impuissance à l’autonomie : évolution culturelle et enjeux identitaires des minorités canadiennes-françaises. Alors à l’emploi des Éditions des Plaines, mon travail d’éditeur me permettait de côtoyer des auteurs et des enseignants avides d’écrire et de lire des textes issus de la francophonie de l’Ouest canadien. J’ai ainsi pu contribuer à faire connaître des auteurs comme Diane Carmel Léger, France Adams, Louise-Michelle Sauriol, David Baudemont ou encore David Bouchard.

Alors que je préparais des conférences à l’intention des enseignants, je me suis rendu compte que la littérature et notamment celle pour les enfants ne naît pas spontanément. On a souvent l’impression que la nouveauté émerge du talent d’un artiste ou d’un créateur et on oublie les prédécesseurs et tout le travail en amont que d’autres ont réalisé avant nous. C’est un peu en hommage aux générations précédentes que j’ai voulu creuser ce qui s’était écrit pour les enfants avant la création des maisons d’édition en milieu minoritaire dans les années 1970. Et c’est donc dans les journaux que devait surtout se faire ce travail, sachant que s’il y a une littérature canadienne-française débutante à explorer notamment chez les minorités canadiennes-françaises, elle se terre nécessairement dans les journaux. Or je me suis rapidement buté à la présence d’une littérature pour la jeunesse pieuse et franchement conservatrice. Il fallait s’y attendre me direz-vous, mais il fallait surtout mettre à profit mes découvertes, même si la qualité des œuvres n’était pas toujours au rendez-vous. Je me suis rapidement aperçu de l’instrumentalisation de cette littérature en fonction des luttes que mène la société. J’ai donc réorienté mes recherches en fonction de ces luttes, notamment celles qui s’articulent autour de l’école et de l’enseignement en français.

Le Canada a été servi en ce qui a trait aux tensions entre anglophones et francophones. Dès les balbutiements de la confédération, certains Acadiens commencent à regretter leur ralliement au Dominion du Canada : la Loi des écoles communes adoptée le 17 mai 1871 institue un système d’écoles non confessionnelles, dans lequel l’enseignement francophone n’est pas dispensé, ce qui fera dire à Lionel Groulx : « Dès sa première épreuve pour la protection d’une minorité, la constitution canadienne se révélait bouclier de carton » (Groulx Enseignement tome II 51). D’ailleurs on ne peut pas dire que la création du Manitoba n’a pas connu des débuts tumultueux qui mèneront à l’exécution du chef métis Louis Riel par le gouvernement canadien. Rappelons que les émeutes de la conscription de 1917 ont réprimé dans le sang alors qu’un bataillon de soldats en provenance de Toronto arrive à Québec, et tire sur la foule le 31 mars 1918, une première pour ces soldats anglais depuis l’occupation de la ville en 1759.

Au final, on s’aperçoit de la force et de la résilience des minorités canadiennes-françaises. Si elles ont pendant longtemps sollicité l’appui des Canadiens-français du Québec dans leur lutte, elles ont acquis une autonomie qui ne permet plus de dire, contrairement à l’idée fort répandue, que le Québec les a abandonnées.

 

Laurent Poliquin a été chargé de cours en langue et littérature française à l’Université du Manitoba et à l’Université de Winnipeg, puis professeur adjoint en littérature canadienne-française et de la francophonie à l’Université de Saint-Boniface. Il a été éditeur aux Éditions des Plaines de 2003 à 2009 et il a fait paraître une dizaine de livres, parmi lesquels De l’amuïssement des certitudes qui a reçu le Prix Rue-Deschambault en 2015.

Livres à vous!
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