‘L’inflation des droits’ s’enracine au Canada

Actualité
1 juin 2015

Les experts ne s’entendent pas sur les retombées alors que de plus en plus de doléances sont présentées comme des questions de ‘droits’

OTTAWA, le 1er juin 2015 — Cela s’appelle ‘l’inflation des droits,’ et le concept s’enracine au Canada, où de plus en plus de gens présentent leurs doléances – de quelque nature que ce soit – comme relevant des droits de la personne. Est-ce une mauvaise chose? Des experts venant de plusieurs secteurs, dont le droit et la science politique, présenteront des points de vue divergents au Congrès des sciences humaines 2015.

Pearl Eliadis, une avocate montréalaise qui défend les droits de la personne, pense que même si de plus en plus de gens présentent des doléances comme relevant des droits de la personne, « je ne crois pas que cela mène à une dépréciation des droits. Il s’agit de l’évolution des droits, plutôt que de leur inflation, dit-elle. Les lois touchant aux droits de la personne changent pour tenir compte de nouveaux problèmes, réalités et situations ».

Elle cite en exemple le cas des personnes transgenres. Il y a 20 ans, elles ne faisaient pas l’actualité; maintenant oui. Elles soulèvent bon nombre de questions : on parle de quelles toilettes elles devraient utiliser, et de comment les traiter à l’école. En d’autres termes, quels sont leurs droits?

Chaque année des milliers de doléances légitimes sont présentées, touchant divers aspects des droits de la personne, affirme-t-elle, et d’ajouter que de plus en plus de personnes utilisent la législation pour faire changer les choses. Et à ceux qui disent qu’il y a trop de droits, elle demande : « Quels droits voudriez-vous enlever? » Le seul vrai problème, selon Mme Eliadis, c’est qu’il n’existe pas encore de moyen efficace pour séparer les doléances légitimes des cas frivoles.

Dominique Clément, un professeur agrégé au Département de sociologie de l’Université de l’Alberta, a une autre façon de voir les choses. Il pense que l’on doit distinguer entre les droits de la personne d’une part, et les questions d’équité sociale de l’autre. Les droits de la personne, dit-il, ne sont pas négociables. Il s’agit de la liberté d’association, la liberté de réunion, la liberté de la presse, la liberté de religion, la liberté d’expression, le traitement égal devant la loi, et la garantie de l’intégrité physique. Les questions d’équité sociale sont autre chose, dit-il, et doivent être débattues en public. Le problème auquel nous faisons face actuellement, ajoute-t-il, c’est que nous confondons les deux concepts.

Il cite en exemple le cas de Jeffrey Moore, un garçon dyslexique vivant en Colombie-Britannique. En 2012, la Cour suprême du Canada a statué que le garçon a été victime de discrimination de la part d’une commission scolaire parce que celle-ci n’avait pas accommodé ses besoins. La commission avait envoyé le garçon dans un centre de diagnostic, mais le centre a fermé ses portes faute de financement avant qu’il ne puisse s’y inscrire. M. Clément affirme qu’en présentant des questions comme étant des questions de droits de la personne, nous accordons plus de pouvoir aux tribunaux, qui peuvent parfois avoir à rendre une décision de vie ou de mort ou qui peuvent imposer des dépenses au gouvernement.

« Veut-on vraiment accorder aux tribunaux ces pouvoirs? » demande M. Clément. Il évoque le cas récent d’un juge ontarien qui a statué que des parents avaient le droit de refuser la chimiothérapie à leur fille aborigène de 11 ans atteinte de leucémie car leur droit à utiliser la médecine traditionnelle était garanti par la constitution. La fille est par la suite décédée. « Ce cas illustre le fait que le juge n’avait pas les compétences requises pour rendre sa décision », dit M. Clément.

Selon M. Clément, l’inflation des droits mène à leur dépréciation. De nos jours, ajoute-t-il, même la décision d’aller en guerre est présentée comme une question de droits de la personne. « Si tout devient une question de droits de la personne, en bout de ligne, rien ne l’est », dit-il.

Pearl Eliadis et Dominque Clément présenteront leur recherche le mercredi 3 juin au Congrès 2015 des sciences humaines à Ottawa. Cette table ronde, qui inclura plusieurs autres chercheurs, s’intitule « Rights inflation and the crisis of Canada’s rights culture » et aura lieu à 8:45 sur le campus de l’Université d’Ottawa, bâtiment FSS, salle 1030.

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Organisé par la Fédération des sciences humaines, le Congrès est la plus vaste conférence interdisciplinaire au Canada et une des plus importantes dans le monde. Parvenu à sa 84e année, le Congrès réunit 75 associations universitaires qui représentent un vaste éventail de disciplines dans le domaine des sciences humaines, y compris la littérature, l’histoire, l’art dramatique, les études cinématographiques, les sciences de l’éducation, la musique, la sociologie, la géographie, le travail social et beaucoup d’autres champs de recherche. Le Congrès 2015 est accueilli par l’Université d’Ottawa. Pour de plus amples renseignements, allez à www.congres2015.ca.

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