Le souci de vivre ensemble : de l'isolement social au bien-être collectif

Événement
19 juin 2025

Tisser des liens pour prendre soin les uns des autres, de l'isolement vulnérable au bien-être collectif 

Par Mahmoud Shabeeb

À une époque où la solitude et la fragmentation sont devenues des caractéristiques déterminantes de la vie quotidienne, la recherche de liens authentiques et du bien-être collectif semble plus urgente que jamais. La causerie Voir Grand intitulée Le souci de vivre ensemble : de l’isolement social au bien-être collectif a réuni quatre intellectuel.le.s et créateur.trice.s remarquables afin d'explorer comment la bienveillance, dans toute sa complexité, peut servir de fondement à la communauté, à la guérison et à l'espoir.  

Animée par Kai Cheng Thom, reconnue pour son travail sur la transformation des conflits tenant compte des traumatismes et pour sa défense des intérêts des communautés trans et queer, la causerie a réuni le poète et chercheur Billy-Ray Belcourt, l'autrice et fondatrice de festival Jael Richardson et l'archéologue et leader en études autochtones Kisha Supernant. Ensemble, ils et elles ont offert leur point de vue sur ce que signifie prendre soin de soi et des autres dans un monde fracturé. 

Redécouvrir les lignées de la bienveillance 

La causerie a débuté par une exploration candide des origines de la bienveillance à la racine de chacune de leurs histoires personnelles. Jael Richardson a évoqué son enfance sans repères ancestraux, trouvant ses racines dans son éducation chrétienne et l'amour radical incarné par la personne de Jésus-Christ, indépendamment de l'institution chrétienne. Son parcours vers la compréhension du souci de l’autre a été façonné par son travail avec The FOLD (Festival of Literary Diversity), qui crée des espaces pour les voix marginalisées dans la littérature canadienne. Jael Richardson a décrit le défi permanent que représente la promotion d'une véritable inclusion qui va au-delà du symbolisme pour cultiver le sentiment d'appartenance et l'autonomisation. Kisha Supernant s'est appuyée sur son expertise en archéologie autochtone et en patrimoine métis pour souligner l'importance de se réapproprier les systèmes de connaissances autochtones. Elle a expliqué que, pour de nombreuses communautés autochtones, le soin n'est pas un acte individuel, mais un mode d'être qui met l’accent sur la relationnalité, la réciprocité et la responsabilité envers la terre et la famille. Selon elle, ces principes offrent des alternatives puissantes à l'isolement et à l'aliénation imposés par les structures coloniales.  

Les intersections entre le deuil, l'amour et la vulnérabilité 

Participant virtuellement depuis Vancouver tout en prenant soin de son chien en phase terminale, Billy-Ray Belcourt a apporté une perspective profondément personnelle et poétique à la conversation. Son œuvre, notamment son mémoire acclamé A History of My Brief Body, explore les intersections entre le deuil, l'amour et la queeritude dans la vie autochtone. Belcourt a parlé avec émotion de la façon dont le fait de s'occuper de son chien dans un moment de deuil lui a fait comprendre la nécessité de la vulnérabilité, non pas comme une faiblesse, mais comme un lieu de connexion, d'espoir et de transformation.  

Les réflexions de Belcourt ont fait écho à des discussions plus larges sur le travail de soins dans les communautés queer et autochtones, où les soutiens formels font souvent défaut et où les réseaux informels deviennent des bouées de sauvetage. Il a mis le public au défi de considérer les soins non pas comme un fardeau, mais plutôt comme un acte radical qui a le pouvoir de briser les cycles d'isolement et de favoriser la résilience. 

Construire des communautés inclusives grâce à des soins radicaux 

La modératrice Kai Cheng Thom a tissé les fils de la causerie en invitant les participant.e.s à réfléchir à ce que signifie réellement pratiquer des soins radicaux. S'appuyant sur sa propre expérience en tant que médiatrice de conflits et guérisseuse communautaire, Thom a souligné l'importance de dépasser l'individualisme et d'embrasser la responsabilité collective. Elle a cité des exemples tirés de son livre Fierce Femmes and Notorious Liars, qui imagine un monde où les familles et les communautés choisies fournissent le soutien que les institutions traditionnelles ne parviennent souvent pas à offrir.  

Les panélistes ont discuté des défis liés à la construction de communautés inclusives, en particulier face à des obstacles systémiques tels que le racisme, le capacitisme et les inégalités économiques. Richardson a souligné la nécessité d'une réflexion et d'une responsabilisation continues, notant que même les efforts d'inclusion bien intentionnés peuvent s’avérer insuffisants sans une volonté d'écouter et de s'adapter. Supernant a souligné la valeur des pratiques liées à la terre et l'importance de renouer avec les enseignements traditionnels comme voies vers le bien-être collectif.  

De l'isolement à l'interdépendance 

Tout au long de la discussion, un thème commun s'est dégagé : l'urgence de passer de l'isolement à l'interdépendance. Les panélistes ont appelé à repenser les soins comme une pratique partagée et continue, qui honore la vulnérabilité, célèbre la différence et jette des ponts entre les divisions. Que ce soit à travers la littérature, la terre ou l'expérience vécue, chaque panéliste a proposé une vision de la solidarité enracinée dans la compassion et le soutien mutuel.  

À l'issue de la conversation, les participant.e.s ont gardé à l'esprit que le bien-être collectif n'est pas un idéal lointain, mais une pratique que nous pouvons cultiver chaque jour, en écoutant, en étant présent.e.s et en intégrant les soins dans le tissu même de nos communautés.