Le leadership du Canada en matière d'IA nécessite la participation de tou.te.s les expert.e.s

Document corporatif
19 novembre 2025

Après avoir réuni des experts en IA issus des sciences humaines pour une consultation avec le groupe de travail sur la stratégie en matière d'IA du gouvernement fédéral le 20 octobre, la Fédération a soumis le document suivant le 31 octobre.

 

Soumission écrite aux consulations du groupe de travail sur l'IA - Chercheur.euse.s et talents

La Fédération des sciences humaines (la Fédération) accueille favorablement les consultations publiques menées par le Groupe de travail sur l’IA du gouvernement fédéral. Nous avons été heureux d’aider le groupe de travail en organisant une consultation virtuelle le 20 octobre avec des expert.e.s en sciences humaines (SH) spécialisés dans l’IA, à laquelle le Prof. Gail Murphy a pu participer. La consultation virtuelle a réuni 12 expert.e.s en SH qui ont présenté leurs réflexions critiques sur une stratégie en matière d’IA pour la recherche et les talents au Canada.

Le présent mémoire apporte un soutien supplémentaire aux recommandations formulées par les experts en SH concernant une stratégie en matière d’IA pour la recherche et les talents. À mesure que l’IA continue d’évoluer et que les stratégies s’adaptent, nous recommandons vivement que ces consultations et discussions se poursuivent. Elles permettront ainsi de garantir que les personnes concernées par l’essor des technologies d’IA évaluent ces considérations complexes de manière exhaustive et approfondie. Cette première consultation éclair ne constitue qu’un début.

La Fédération est un organisme national à but non lucratif qui représente les associations et les chercheur.euse.s en sciences humaines à l’échelle nationale. Les consultations menées auprès de notre communauté confirment que le Canada dispose d’une expertise considérable en matière d’IA dans le domaine des SH, qui est encore sous-utilisée. Par conséquent :

Afin de positionner le Canada comme un chef de file mondial en matière d’intelligence artificielle responsable et centrée sur l’humain, la Fédération recommande que 30 % de tous les investissements fédéraux actuels et nouveaux dans l’IA soient consacrés au soutien des chercheur.euse.s et des talents en SH.

L’ambition du Canada de devenir un chef de file en matière d’IA doit s’accompagner d’investissements qui reflètent tout l’éventail des compétences nécessaires pour la façonner de manière responsable. Afin d’assurer l’avenir durable du Canada dans le domaine de l’IA, nous devons soutenir notre expertise en SH et investir dans sa capacité à guider l’innovation, la gouvernance et la confiance du public.

L’état de l’IA au Canada : un manque de recherche et développement centrés sur l’humain

Jusqu’à présent, des entreprises technologiques du secteur privé ont principalement mené les progrès de l’IA. Certaines d’entre elles entretiennent des liens étroits avec des chercheur.euse.s universitaire.s. Cela a donné lieu à une innovation rapide, mais avec une attention limitée aux considérations éthiques, sociales, culturelles et environnementales essentielles à une utilisation responsable. Par exemple, des recherches récentes menées par le Centre for Media, Technology and Democracy montrent comment l’utilisation non réglementée des technologies de reconnaissance faciale au Canada a mis en évidence d’importantes lacunes en matière de gouvernance et d’équité. Ces outils ont été adoptés dans le cadre de processus d’approvisionnement opaques qui portent atteinte à la vie privée, nuisent de manière disproportionnée aux communautés racialisées et érodent la confiance du public.

Un avenir durable pour l’IA nécessite de recentrer délibérément les personnes et les communautés dans le développement technologique, un domaine dans lequel les SH offrent une expertise éprouvée. Les SH favorisent des approches centrées sur l’humain. Celles-ci impliquent les personnes et les communautés les plus directement touchées par l’essor de l’IA. De plus elles placent les approches éthiques et humanistes de la technologie au premier plan de son développement et de son adaptation.  

Sans investissements et soutien spécifiques à l’expertise en IA des SH, l’adoption des technologies d’IA par le Canada sera compromise et les avantages escomptés s’estomperont.

Investir dans l’avenir de l’IA au Canada : les talents de la SH

Selon des données récentes de Statistique Canada, les programmes en SH représentaient plus de 50 % des inscriptions dans l’enseignement supérieur pour l’année scolaire 2021-2022. Les SH représentent donc une grande partie de la main-d’œuvre et des talents canadiens dans l’enseignement supérieur. Dans ces programmes, les étudiant.e.s acquièrent des compétences essentielles, telles que l’adaptabilité, la communication et les aptitudes sociales, qui sont de plus en plus recherchées dans le monde technologique. Une récente recherche du Centre des compétences futures confirme que la main-d’œuvre canadienne dans le domaine de l’IA a besoin d’une combinaison plus solide d’expertise technique et d’expertise centrée sur l’humain.

Cependant, les modèles d’investissement actuels favorisent de manière disproportionnée la formation technique en IA et négligent la manière d’intégrer l’expertise centrée sur l’humain des sciences humaines et sociales. Des investissements ciblés dans l’enseignement et la recherche appliquée en IA basés sur les sciences humaines et sociales sont nécessaires. Cela permettra aux communautés de recherches de mettre leur expertise centrée sur l’humain au service de la conception, de la gouvernance et de la mise en œuvre des technologies d’IA. Le développement de ces compétences au sein de la plus grande base de talents postsecondaires du Canada renforcera l’écosystème d’innovation du pays et garantira que le développement de l’IA reflète les valeurs et les priorités canadiennes.

Certains programmes et projets démontrent déjà la valeur de l’IA intégrée aux SH :

  • L’initiative IA + Société de l’Université d’Ottawa réunit des chercheur.euses en droit, en éthique et en politique afin d’analyser les implications sociétales de l’intelligence artificielle. 
  • L’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (OBVIA) de l’Université Laval rassemble plus de 250 chercheur.euse.s en sciences humaines, en sciences sociales et en STEM afin d’étudier les impacts éthiques, culturels et professionnels de l’IA.  
  • Le « Partenariat sur l’IA et la qualité du travail (PAIQ) » de l’Institut pour le travail et la santé met en relation des spécialistes en sciences sociales, des expert.e.s du travail et des décideur.euse.s politiques. Ce partenariat étudie comment l’IA transforme la qualité du travail et le bien-être des travailleur.euse.s.  

Les sciences humaines et sociales offrent des possibilités de collaboration internationale uniques. Elles permettent de positionner le Canada comme un chef de file mondial dans le domaine de l’IA, avec une durabilité et un accent sur l’humain. En plus, elles présentent des possibilités d’investissement national. Par exemple, des programmes tels que l’AI Sandpit et Horizon Europe de l’UK Research and Innovation (UKRI) et du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) ouvrent la voie au leadership mondial du Canada.  

Pourtant, la plupart des chercheur.euse.s en SH n’ont actuellement pas accès à des sources de financement dédiées qui leur permettraient de mener des collaborations fructueuses. L’élargissement des possibilités de financement et de formation pour la recherche appliquée en SH à travers le Canada permettrait de former la prochaine génération de talents en SH maîtrisant l’IA afin de guider une innovation responsable.  

Ces opportunités nationales et internationales doivent être saisies dès maintenant. Elles ne peuvent aller de l’avant sans un financement dédié pour soutenir les chercheur.euse.s qui font déjà des progrès dans leurs domaines. Avec un objectif de 30 %, les SH peuvent prospérer et conduire l’industrie canadienne de l’IA vers un avenir innovant et centré sur l’humain qui profite à tous les Canadien.ne.s.

La Fédération et sa communauté d’expertise en SH se disent prêtes à travailler avec le gouvernement fédéral. Elle veut façonner un avenir de l’IA qui reflète les valeurs du Canada et renforce la confiance du public dans l’innovation.