Les pédagogies du vivre-ensemble : au travers des pratiques d’apprentissage inclusif

Événement
19 juin 2025

Repenser ensemble l'éducation pour un avenir équitable    

Par Mahmoud Shabeeb

Comment l'enseignement postsecondaire peut-il dépasser les frontières traditionnelles et favoriser un apprentissage véritablement inclusif et collaboratif? Cette question a guidé la causerie Voir Grand « Les pédagogies du vivre-ensemble : au travers des pratiques d’apprentissage inclusif » du Congrès 2025, au cours de laquelle Paul Turcotte, Jessica Riddell et le modérateur Normand Labrie ont exploré le besoin urgent d'une transformation de l'éducation dans un monde marqué par les bouleversements et les divisions. 

Repenser l'éducation en temps de crise 

Normand Labrie a ouvert la séance en énumérant les bouleversements qui ont façonné l'éducation supérieure au cours des dernières années : la pandémie de COVID-19, la prise de conscience mondiale du racisme, les génocides en cours à travers le monde et la montée de la désinformation et de l'extrémisme. Il a invité l'auditoire à réfléchir à la manière dont les universités peuvent répondre à ces crises en favorisant des environnements où les étudiant.e.s et les éducateur.rice.s apprennent à « vivre ensemble » malgré leurs différences.  

Ce contexte a donné le ton à une conversation bilingue et profondément réfléchie sur la manière de créer des écosystèmes d'apprentissage qui soient non seulement accessibles, mais aussi justes et réactifs. 

Paul Turcotte : confiance, dialogue et courage de changer 

Paul Turcotte, professeur, chercheur, et figure de proue des pédagogies inclusives au Québec, a souligné que bon nombre des défis que nous redoutons pour l'avenir sont déjà présents. « Nous devons être convaincus que nous sommes aux commandes en tant qu'établissements d'enseignement », a insisté M. Turcotte. « Nous devons écouter les étudiant.e.s, engager un dialogue réciproque et apprendre des jeunes générations autant qu'elles apprennent de nous. »  

Turcotte a souligné à quel point les jeunes adultes sont désireux d'innover et de conduire le changement, à condition qu'on leur accorde la confiance et le soutien nécessaires pour le faire. « À 18, 19, 20, 22 ans, les gens veulent changer et ont tellement d'énergie. Ils ou elles ont juste besoin de soutien et de confiance. Pourquoi ne pas saisir cette occasion? », a-t-il demandé. Turcotte préconise de passer de la rigidité à la rigueur, exhortant les éducateur.trice.s à créer un espace où les étudiant.e.s peuvent remettre en question, questionner, et co-créer des connaissances.  

Il s'est également appuyé sur le modèle social du handicap, qui sous-tend son travail au CRISPESH, pour affirmer que l'inclusion n'est pas une liste de choses à faire, mais une pratique vécue. « Pour parvenir à « vivre ensemble », il suffit simplement de le faire : vivre ensemble! Accepter les opinions différentes, accepter d'être remis.e en question et apprendre à coexister. » 

Jessica Riddell : espoir et épanouissement humain 

Jessica Riddell, professeure à l'Université Bishop's et fondatrice du Hope Circuits Institute, a apporté une perspective complémentaire ancrée dans l'espoir et le changement systémique. « L'éducation supérieure est le seul secteur qui a pour mandat d'apporter de l'espoir », a-t-elle affirmé. Mme Riddell a décrit la salle de classe comme un creuset de « civilité vigoureuse », un lieu où les désaccords sont source de créativité et non de division, et où l'empathie et la rigueur guident la quête de compréhension.  

Les recherches et le leadership de Riddell, reconnue par sa chaire Stephen A. Jarislowsky en excellence de l'enseignement de premier cycle, soulignent que l'éducation inclusive nécessite à la fois des changements structurels et un engagement renouvelé envers l'équité, l'empathie et la justice. Elle a mis les éducateurs.trices au défi de considérer les étudiant.e.s comme des guides qui « métabolisent l'incertitude en temps réel » et de construire un vocabulaire et des pratiques communes qui vont au-delà des gestes symboliques pour aboutir à une inclusion véritable. 

De la vision macro à la pratique micro 

Les deux panélistes ont convenu que la pédagogie inclusive commence par une vision macro – la confiance dans l'objectif du secteur et l'engagement envers la justice – puis zoome sur le niveau micro de la pratique quotidienne en classe. Turcotte a rappelé à l'auditoire que « les professeur.e.s bénéficient de l'occasion unique d'être en classe avec un groupe de jeunes esprits. C'est une occasion réciproque d'apprentissage et de croissance, tant pour les professeur.e. que pour les étudiant.e.s. »  

Riddell a fait écho à ces propos, comparant la salle de classe à une scène où tout est possible et où tout peut changer. Son travail avec le Hope Circuits Institute fournit des outils pratiques pour changer les systèmes, aidant les institutions à passer de l'intention à l'action. 

Vers un nouveau paradigme de l'inclusion 

À la fin de la séance, le message était clair : l'apprentissage inclusif n'est pas un objectif statique, mais une pratique collective continue. L'avenir de l'éducation dépend de notre volonté d'accepter l'incertitude, d'honorer la différence et de donner aux étudiant.e.s les moyens d'être co-créateurs de connaissances. Dans un monde marqué par la complexité et les changements rapides, les pédagogies du vivre-ensemble offrent un modèle pour un paysage postsecondaire plus juste, plus optimiste et plus résilient.