Deux artistes, un thème : Thomson, Riopelle et le développement d’une tradition picturale canadienne

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19 avril 2012

Louise Vigneault with CFHSS president Graham Carr

Daniel Drolet

On ne voit pas immédiatement les ressemblances entre les peintres Tom Thomson et Jean-Paul Riopelle.

Même s’ils sont deux représentants majeurs de l’art moderne canadien, l’Ontarien Thomson avait un style plus figuratif que le Québécois Riopelle, artiste du Refus global né en 1923, six ans après la mort mystérieuse de Thomson.

Mais selon Louise Vigneault, auteure du nouveau livre Espace artistique et modèle pionnier : Tom Thomson et Jean-Paul Riopelle, chacun a, à sa façon contribué à refaçonner de manière significative la tradition picturale au cours des périodes qui ont marqué l’entrée du Québec et du Canada dans la modernité et la postmodernité.

Ils l’ont fait en abordant le thème de l’espace – un thème qui souligne les points communs entre leurs deux univers culturels différents, univers tous deux ancrés dans le même espace nord-américain.

« En Amérique, l’espace est incontournable », explique Mme Vigneault, lauréate cette année du Prix du Canada en sciences humaines de la Fédération canadienne des sciences humaines pour un ouvrage en français.

« La culture américaine est fondée sur le défi qu’on s’est donné pour s’adapter à l’espace ».

Thomson, avec ses tableaux colorés et expressifs de la forêt boréale, a consacré la rupture culturelle du Canada avec l’héritage européen et son enracinement dans le contexte nord-américain.

Thomson est arrivé à une période charnière pour le nationalisme canadien anglais, explique Mme Vigneault. Il est mort en 1917, année de la bataille de crête de Vimy qui a marqué l’émergence d’une conscience nationale canadienne.

Thomson, par son œuvre, a donné au Canada une iconographie picturale ancrée dans la forêt et la nature.

Riopelle, quelques décennies plus tard, a fait la même chose au Québec mais s’est exprimé autrement. Il aborde l’espace en parlant de la chasse, car pour chasser il faut explorer et connaître son territoire.

Et même si ses tableaux sont moins figuratifs que ceux de Thomson ils offrent, selon Mme Vigneault, l’expérience d’une traversée sensorielle de la nature. « Ils ne présentent pas la forêt, mais l’expérience visuelle et tactile d’une traversée de la forêt », dit-elle. « Il reprend l’expérience des colons qui voyageaient en forêt ».

Avec Riopelle et Thomson, les Canadiens ont des images auxquelles ils s’identifient.

« Ça va au-delà du nationalisme. Ce n’est pas idéologique, c’est anthropologique. Et plutôt que de chercher tout le temps les différences au plan culturel, ça nous permet de trouver les points communs, ainsi que nos liens avec les Autochtones ».

Louise Vigneault est professeure d’histoire de l’art à l’Université de Montréal. Son livre Espace artistique et modèle pionnier. Tom Thomson et Jean-Paul Riopelle est publié par les Éditions Hurtubise inc.