Poser les bonnes questions pour l'avenir de l'éducation canadienne
Par Shara Brandt
Par un mardi après-midi ensoleillé, dans le magnifique nouveau bâtiment du campus riverain du Collège George Brown, certaines des personnalités les plus influentes du milieu postsecondaire se sont réunies pour discuter de l'avenir des collèges et universités canadiens. Parmi les participant.e.s à cette table ronde, on comptait Gabriel Miller, Président-directeur général d'Universités Canada, Karine Morin, Présidente et cheffe de la direction de la Fédération des sciences humaines, Gervan Fearon, directeur général et président du Collège George Brown, Jacqueline Ottmann, présidente de l'Université des Premières Nations du Canada, et Pari Johnston, directrice générale et présidente de CICan. Ces leaders ont tou.te.s un objectif commun : créer une collaboration et une compréhension mutuelle entre tous les établissements d'enseignement supérieur au Canada, ainsi qu'innover dans la conception de leurs programmes pour l'avenir et le bien-être de tou.te.s les Canadien.ne.s.
Chacun.e de ces leaders a mis en avant sa propre expérience dans le domaine de l'éducation pour discuter de la manière d'atteindre ces nobles aspirations. Gabriel Miller a ouvert la discussion en déclarant : « Il y a beaucoup de raisons d'avoir peur, mais il y a aussi beaucoup de raisons d'être enthousiastes. Et la meilleure chose que nous puissions faire pour l'instant, c'est de nous lancer et de saisir l'instant présent. » Jacqueline Ottmann, qui a consacré sa carrière à militer pour l'inclusion des voix et des systèmes d'information autochtones dans l'enseignement postsecondaire, fait écho à cette réflexion. Le fait d'avoir été témoin de discrimination pendant ses années de formation l'a amenée à mettre l'accent sur l'apprentissage communautaire, comme elle l'explique : « Nous passons à côté de connaissances et d'idées essentielles lorsque nous travaillons en silos. La diversité est une force, et cela se voit clairement dans le partage de l'information. »
Pour Pari Johnston, son travail avec les collèges canadiens lui a montré qu'il reste encore beaucoup à faire pour combler le fossé avec les universités. Elle envisage un avenir où ces deux systèmes d'enseignement supérieur travailleront en tandem pour répondre aux enjeux auxquels font face les communautés dans lesquelles ils évoluent. Pour elle, la solution réside dans une curiosité radicale, comme elle l'explique : « Pour ceux qui s'investissent profondément dans l'éducation, il existe un fil conducteur, une curiosité qui les pousse à vouloir comprendre pourquoi les choses sont telles qu'elles sont. » Gervan Fearon partageait profondément cette opinion, ajoutant que son objectif en tant que directeur du Collège George Brown était de poser les grandes questions afin de garantir la pérennité des programmes d'études.
En s'interrogeant sur l'objectif et la raison d'être des collèges et des universités, on constate des similitudes profondes qui peuvent être mises à profit pour établir les liens nécessaires. Ces deux types d'établissements visent à bénéficier à l'humanité de manière tangible, grâce à l'acquisition de compétences et à la conduite de recherches innovantes. Il convient également de noter que ces deux types de résultats se retrouvent à la fois dans les collèges et les universités. En s'interrogeant sur l'évolution des individus et sur la manière dont leur engagement au sin de leur communauté a changé au fil du temps, il devient possible d'appliquer ces enseignements à l'éducation. Plus précisément, en se demandant quelles lacunes doivent être comblées au niveau local, qu'il s'agisse des petites et moyennes entreprises qui y sont implantées, des aspects de la connexion sociale qui font défaut, ou des questions relatives à la santé de l'écosystème local et à la satisfaction des besoins fondamentaux. Dans le cadre de son travail en tant que Présidente et cheffe de la direction de la Fédération, Karine Morin apporte une perspective importante sur la manière dont les arts libéraux et les sciences humaines peuvent aider à répondre à ces questions.
Pour comprendre les gens, il est essentiel de faire appel à des sociologues, des philosophes et des anthropologues afin d'ajouter les couches théoriques nécessaires. Après tout, les questions relatives aux besoins humains nécessitent l'intervention de personnes qui connaissent intimement l'histoire, les mentalités et les désirs. En réunissant ces perspectives, le Congrès a déjà fait d'énormes progrès pour mettre en relation des voix puissantes qui partagent le même objectif : veiller sur les étudiant.e.s d'aujourd'hui et de demain. Cette table ronde a montré à quel point les leaders, chefs de file dans le domaine de l'éducation, sont prêt.e.s et enthousiastes à se remettre en question, ainsi que les institutions qu'ils et elles représentent, afin d'aborder l'avenir avec curiosité et dans un esprit communautaire. Leur vision de l'avenir est celle d'une unité renforcée et d'un engagement à écouter avec un esprit clair et un cœur ouvert.
Une conversation sur la liberté et la recherche de soi
Par Ayat Salih
À l'issue de la table ronde « Le marronnage queer comme stratégie pour la libération des Noir.e.s », une question reste en suspens : que fais-je de ma vie?
Trois panélistes, le Professeur Ronald Cummings, la Professeur d'bi Anitafrika Young et Ravyn Wngz, se sont réunis pour explorer l'idée du marronage queer, une façon d'envisager la libération des Noir.e.s à travers la fuite, le refus et la création de communautés créatives.
Dans son discours d'ouverture, le Professeur Ronald Cummings nous a rappelé que le Canada a lui aussi une histoire de marronage. Le Professeur Cummings a cité Harriet Tubman, non seulement comme une figure de l'histoire américaine, mais aussi comme faisant partie de la mémoire des Noir.e.s canadiens. « Le Canada fait partie de cette histoire du marronage. Nous devons marquer notre histoire de lutte pour la liberté. » Son propos a encouragé tout le monde à considérer la liberté non seulement comme un objectif, mais aussi comme un processus continu.
La Professeure d'bi.young anitafrika a réfléchi à ce que signifie être vivant et libre dans le moment présent. « Comment suis-je en vie ? », a-t-elle demandé. Ses paroles oscillaient entre réflexion personnelle et performance, attirant l'attention sur les choix quotidiens que nous faisons dans notre façon de vivre. Elle a parlé du bio-mythe, une méthode qui consiste à créer de l'art à partir de la mémoire et de l'imagination, et de la façon dont l'art peut être un moyen de nous protéger et de réimaginer l'avenir. « La biographie est le catalyseur, mais l'art lui-même est vivant et a sa propre capacité à être « réécrit ». »
Ravyn Wngz a expliqué comment son éducation précoce sur l'histoire des Noir.e.s, guidée par sa mère, a façonné son activisme. Elle a parlé de son implication dans le mouvement Black Lives Matter et de la façon dont la danse et la performance sont devenues des outils pour faire face au stress du racisme envers les Noir.e.s. « Le burlesque est une façon de séduire la vérité », a-t-elle déclaré, décrivant comment elle utilise le théâtre et le mouvement pour partager des histoires de manière à la fois engageante et apaisante. Elle a également réfléchi à l'importance de la solidarité entre les Autochtones et les Noir.e.s, en particulier dans le contexte canadien.
Présence discrète mais puissante, Natalie Wood a apporté une autre perspective à la discussion. Wood a décrit le rassemblement comme un « espace de manifestation », demandant comment nous pouvons considérer le marronage comme quelque chose d'expansif, une stratégie pour construire de nouveaux mondes, et pas seulement pour échapper aux anciens.
Ensemble, le groupe a réfléchi sur le fait que le marronage n'est pas seulement une question de passé. C'est une façon d'être, de créer et de se trouver les un.e.s les autres. Comme l'a dit Ronald, « le marronage n'est pas la liberté, c'est un mouvement vers celle-ci ». Que ce soit à travers la conversation, la performance ou les liens quotidiens, les panélistes nous ont rappelé que le travail pour la liberté se poursuit et que nous en faisons tou.te.s partie.
Le pouvoir de l'écoute des récits autochtones
Par Shara Brandt
Lorsque la Professeure Deanna Reder poursuivait ses études de doctorat en anglais dans le domaine des études autochtones, elle n'aurait jamais pu imaginer qu'elle serait sollicitée par sa communauté pour aider à résoudre une affaire de meurtre non élucidée.
En 2001, elle a commencé ses travaux de doctorat sur le partage de l'information et les politiques autochtones.
Son domaine de recherche portait sur la vaste collection d'œuvres d'auteurs et autrices cris ou métis des XIXe et XXe siècles qui ont eu une influence profonde sur le mouvement pour les droits des Autochtones au Canada, mais qui n'ont jamais eu la chance d'être publié.e.s et ont été presque oublié.e.s. Ces figures reflétaient sa propre expérience dans le milieu universitaire, car lorsqu'elle a commencé ses études supérieures, il n'y avait tout simplement aucun cours sur les études autochtones. En 2007, elle a été embauchée à l'Université Simon Fraser et a commencé à élaborer le programme d'études de ce qui allait devenir le département officiel d'études autochtones de l'université. Son travail s'est également étendu au-delà des murs de cette institution, puisqu'elle a été rédactrice en chef de la série Indigenous Studies Series chez Wilfrid Laurier University Press de 2010 à 2021, ainsi qu'organisatrice de nombreux ateliers à travers le Canada. Elle est également une auteure prolifique, ayant contribué à un grand nombre de revues et de livres, et a elle-même écrit deux ouvrages : Elements of Indigenous Style et Autobiography as Indigenous Intellectual Tradition: Cree and Métis âcimisowina.
Certaines figures clés des travaux de la Professeure Reder se sont concentrées sur les radicaux politiques et les organisateurs du XIXe siècle. Parmi ce groupe se trouvaient des militant.e.s autochtones vraiment inspirant.e.s, mais deux d'entre eux en particulier ont eu une influence profonde sur leur communauté, mais aussi une grande part de tragédie dans leur histoire. Il s'agit du leader métis James Brady et du conseiller de bande crie Absolom Halkett, qui ont été embauchés en 1967 pour prospecter de l'uranium près d'un petit lac au nord de La Ronge, en Saskatchewan. Ils ont campé et travaillé là-bas pendant trois semaines, vivant de la terre malgré l'hiver rigoureux. Cependant, lorsque leur employeur est venu leur apporter des provisions, les deux hommes avaient complètement disparu. La GRC a classé l'affaire en quelques semaines, concluant qu'il n'y avait pas eu d'acte criminel. Mais leur communauté savait que ce n'était pas le cas. Pendant des décennies, l'affaire est restée classée, les membres de leurs familles affirmant sans relâche qu'il y avait quelque chose qui clochait, et que le plus plausible était que la GRC avait assassiné ces deux hommes. Tous deux étaient très impliqués dans l'organisation des Autochtones pour lutter pour leur égalité politique, et tous deux avaient tenté de faire publier leurs écrits, sans grand succès ou sous le coup d'une forte censure. La Professeure Reder avait des liens avec l'une des familles et s'est particulièrement intéressée à cette affaire.
Grâce à sa patience et à sa quête de vérité, elle a fait appel à son réseau et a organisé une expédition jusqu'au lac où les deux hommes avaient disparu. Avec l'aide de sa communauté, elle a obtenu justice et vérité pour les familles concernées, comme vous pouvez le lire dans le livre qu'elle a contribué à écrire sur toute cette expérience. Tout au long de cette aventure, la Professeure Reder a attribué ses succès dans cette affaire et dans ses recherches à la patience et à l'attention qu'elle a accordées à l'écoute des membres de sa communauté. En prenant simplement le temps d'écouter les gens, elle a été témoin du pouvoir transformateur qu'il y a à simplement permettre à leur voix d'être entendue. C'est une leçon qui s'applique au monde de l'éducation en général, car, aussi cliché que cela puisse paraître, nous n'apprenons vraiment que lorsque nous faisons preuve d'humilité et que nous écoutons activement.
« Écouter avec respect et remettre en question les intérêts particuliers des législateurs et de ceux qui minimisent les doléances des Autochtones est très efficace, car de nombreux.euses Autochtones sont mieux à même d'analyser les situations qu'eux. » - Dr Deanna Reder
Pour lire l'histoire complète, consultez le livre écrit sur cette affaire :
Une affaire qui remonte jusqu’au sommet
Par Shara Brandt
Le 20 mai 2025, Claire Shipman, directrice par intérim de l'Université Columbia, est montée sur scène pour prononcer un discours devant les diplômé.e.s. Elle a été accueillie par une salle entière d'étudiant.e.s qui l'ont huée pendant plusieurs minutes. Beaucoup ont également scandé « Free Mahmoud », en référence à Mahmoud Khalil, un étudiant et militant de l'Université qui a été détenu par l'ICE sans mandat valable alors qu'il était résident permanent légal aux États-Unis. Cette réaction extrêmement négative fait suite non seulement à plusieurs arrestations illégales d'étudiant.e.s à Columbia, mais aussi à la capitulation de l'Université devant les exigences de l'administration Trump, qui comprenaient notamment l'interdiction des masques faciaux sur le campus, l'autorisation pour les agents de sécurité d'expulser ou d'arrêter des étudiant.e.s sur le campus, et l'octroi au gouvernement d'une influence majeure sur le département qui propose des cours sur le Moyen-Orient au sein de sa faculté. Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres de l'ingérence croissante des gouvernements dans les établissements d'enseignement supérieur.
Bien que ce cas particulier se soit produit aux États-Unis, des universitaires comme Marc Spooner, professeur à la Faculté d'éducation de l'Université de Regina, affirment qu'il n'est pas inconcevable que la même chose se produise au Canada. « Nous voyons ces choses, et nous devrions nous en préoccuper, car nous ne sommes pas à l'abri au Canada », a déclaré Spooner, et c'est effectivement vrai. L'anti-intellectualisme et le conservatisme sont en hausse, tant dans l'opinion publique que dans la couverture journalistique. Lorsque des étudiant.e.s ont manifesté pacifiquement contre la guerre en Israël et à Gaza, beaucoup ont été accueilli.e.s par une réponse violente de la police et des agents de sécurité du campus. Les médias conservateurs ont tenté de justifier cette réponse comme nécessaire pour rétablir l'ordre sur les campus, certains allant même jusqu'à prétendre que les campements à Toronto étaient une imposture, que des personnes extérieures à l'université avaient été engagées pour grossir les rangs des manifestants, bien que ces affirmations soient sans fondement. Ces médias ont servi de porte-voix à l'administration américaine actuelle, ainsi qu'au nombre croissant de Canadien.ne.s qui partagent les sentiments de la droite.
Même lors des dernières élections fédérales canadiennes, beaucoup craignaient que si le candidat conservateur Pierre Poilievre l'emportait, il suivrait l'exemple de Columbia et céderait aux exigences de Trump. Ces craintes provenaient du fait qu'il reprenait les mêmes arguments que Trump sur les dangers de l'idéologie du genre et le rejet de l'importance de l’EDI. Les acteur.e.s du secteur de l'éducation ont vu les mesures de censure imposées sur des sujets tels que la théorie critique de la race et la théorie du genre dans les universités américaines, comme au Texas, et ont craint que des politiques similaires ne voient le jour au Canada si un gouvernement conservateur était élu. Bien que ce soient finalement les libéraux qui aient remporté la majorité au Canada, le climat politique actuel montre que, sur le plan social, le vent est en train de tourner pour les idéaux libéraux. Beaucoup soulignent l'incapacité des libéraux et des démocrates à reconnaître la souffrance et les difficultés des classes populaires. Alors que les inquiétudes liées à l'instabilité économique et à la perte d'emploi sont plus vives que jamais, le jeu politique consiste désormais à montrer aux citoyen.ne.s qu'ils et elles sont entendu.e.s et compris.es.
Comment les personnes qui travaillent dans le domaine de l'éducation peuvent-elles y parvenir? Marc Spooner estime que cela repose sur la volonté de se salir les mains et d'engager des conversations difficiles. Une partie de son travail consiste à analyser et à examiner la manière dont les agendas politiques et ceux des entreprises peuvent interférer avec les objectifs de l'enseignement supérieur. Il considère que le fait de laisser le gouvernement dicter le contenu des programmes scolaires est un moyen d'éroder la capacité des étudiant.e.s à s'exprimer et à penser librement. Il combat cette tendance en se montrant toujours présent et en rejetant l'idée qu'il faille être neutre pour s'entendre avec les autres. Il exhorte ceux et celles qui croient en la démocratie à observer la manière dont les idéaux antidémocratiques se manifestent dans la couverture médiatique et dans les conversations en ligne. La maîtrise des médias est essentielle dans ce type de travail, tout comme la compréhension du sentiment d'aliénation que les gens éprouvent vis-à-vis des institutions libérales.
En fin de compte, la lutte pour la démocratie à l'avenir pourrait se résumer à un retour aux efforts citoyens, à la conviction qu'il faut écouter activement et analyser les tendances dans les messages que le gouvernement envoie aux institutions à sa portée.
Entre trahison et appartenance : repenser la solidarité en temps de crise
Par Ayat Salih
À une époque marquée par le génocide, les déplacements massifs et la complicité mondiale, que signifie réellement la solidarité? La mutualité – le fait d’être en relation avec les autres dans une logique de bienveillance et de responsabilité – peut-elle exister lorsque des peuples entiers sont affamés, bombardés et exterminés? Ces questions ont été au cœur de la table ronde intitulée « Repenser la solidarité : faire face aux ruptures, aux disjonctions et aux trahisons en temps de génocide ».
La modératrice de la table ronde, Lucy El-Sherif, a commencé par une déclaration de Reconnaissance des terres qui établissait un lien entre la dépossession des Autochtones au Canada et les effacements violents qui se produisent de la Palestine au Congo en passant par le Soudan, dénonçant la normalisation du génocide sur les terres occupées. « Que signifie la solidarité lorsque nous sommes témoins de telles horreurs? », a-t-elle demandé, dénonçant la dystopie qui consiste à appeler à la solidarité alors que les institutions restent silencieuses.
La Professeure Wafaa Hasan a abordé la trahison inhérente aux histoires coloniales et aux mouvements de résistance contemporains. Elle a souligné que la solidarité avec la Palestine ne doit pas être symbolique ou conditionnelle. « Les femmes palestiniennes sont une référence en matière de féminisme », nous a-t-elle rappelé, soulignant le travail crucial, souvent effacé, qu'elles ont accompli pour documenter l'impact sexospécifique de l'occupation. La solidarité féministe ne peut reproduire les logiques coloniales qui réduisent les femmes musulmanes au silence ou les privent de leur féminité.
La Professeure Nisrin Elamin a présenté une analyse incisive du Soudan, qualifiant la guerre actuelle de « plus grande crise humanitaire dont vous n'avez jamais entendu parler ». Elle a expliqué comment les puissances mondiales, en particulier les États du Golfe, utilisent le Soudan comme terrain d'expansion impérialiste, exploitant les terres et les populations à travers le capitalisme racial. « Le capitalisme ne cessera pas d'être un capitalisme racial même si tous les Blancs disparaissent », a-t-elle déclaré, soulignant que la violence systémique n'a pas besoin de visages blancs pour fonctionner. Elle a expliqué comment les révolutionnaires qui ont renversé Omar el-Béchir en 2018 ont été écartés par une préférence internationale pour la « stabilité » plutôt que pour la transformation, ce qui a conduit à la guerre contre-révolutionnaire actuelle au Soudan.
La Professeure Delice Mugabo a remis en question la politique d'inclusion, affirmant qu'elle exige souvent la validation des systèmes mêmes qui déshumanisent. S'inspirant de l'histoire des personnes noires réduites en esclavage au Québec, elle a expliqué comment la codification religieuse a légitimé l'esclavage. Elle a expliqué comment la conversion forcée pendant l'esclavage était justifiée comme un acte « humanisant », révélant comment le catholicisme a été utilisé pour contrôler et asservir les Noir.e.s sous le colonialisme français. L'islamophobie est un mécanisme de racisme envers les Noir.e.s, a-t-elle soutenu, qui est fondamental – et non accessoire – à l'histoire du Canada.
La Professeure Leila Benhadjoudja a abordé la manière dont l'État instrumentalise l'islamophobie, en particulier au Québec. Selon elle, la politique linguistique est au cœur des projets coloniaux qui présentent les femmes musulmanes comme des menaces ou des victimes. « L'unité, c'est le refus de l'idée que nous devons être tous identiques pour être solidaires », a-t-elle déclaré, lançant un appel puissant à la solidarité fondée sur la différence et non sur l'assimilation.
Enfin, la Professeure Muna Saleh a conclu par une réflexion sur la foi, la pédagogie et la bienveillance. Elle a raconté que sa grand-mère lui avait enseigné la rahma, qui signifie « miséricorde » et dérive du mot « utérus ». « Siti aimait la vie et enseignait la vie », a-t-elle déclaré, nous rappelant que c'est à travers les programmes scolaires que nous apprenons tout, « aux côtés de nos grands-parents, et pas seulement dans une institution ».
En cette période de rupture, la table ronde nous a exhortés à pratiquer une forme de solidarité plus profonde et plus risquée, enracinée dans la vérité, le deuil et le refus radical.