Condensé du Congrès #1 - Ubuntu, éthique de l'IA et liberté d'expression

Blog
3 juin 2025
Auteur(s) :
Mahmoud Shabeeb; Rachel Abitan; Shara Brandt; Zach Hazledine

Entreprises et communautés : construire en cercles  

« Tout ce que nous devons savoir sur la création d'une collaboration durable, nous l'avons appris avant d'entrer à la maternelle : le cercle. C'est un monde où les décisions sont prises en cercle autour d'un espace commun. » - Tonya Surman, fondatrice du Centre for Social Innovation.  

Au cours des dernières années, une attention croissante a été portée sur ce qui ne va pas dans le monde : politiques d'exclusion, réchauffement climatique, hausse du taux de chômage. Ces phénomènes ont un impact sur les aspects tangibles et intangibles de notre vie et ont, à juste titre, rendu beaucoup d'entre nous plus anxieux et, naturellement, plus renfermés. Cette aversion accrue pour le monde extérieur nous a peut-être donné l'impression de nous protéger, mais elle a également engendré un sentiment profond d’isolement pour nombreux d’entre nous. Au Canada, 52 % des Canadien.ne.s déclarent se sentir seul.e.s au moins une fois par semaine, et 74 % des personnes souffrant de troubles mentaux ressentent cette solitude au moins une fois par semaine. Les gens ont besoin d'un sentiment d'appartenance à une communauté dans leur vie personnelle, mais aussi dans le lieu où ils passent statistiquement la majeure partie de leur journée, à savoir leur lieu de travail. 

Alors, comment faire? Comment les entreprises peuvent-elles favoriser l'esprit communautaire tout en continuant à prospérer? En 2003, il y a plus de 20 ans, Tonya Surman s'est posé cette question lorsqu'elle a fondé le Centre for Social Innovation (CSI). Elle a remarqué que de nombreuses organisations à but non lucratif se sentaient déconnectées des autres organisations qui partageaient leurs objectifs et avaient besoin d'espaces pour travailler et entrer en contact avec des personnes partageant les mêmes idées. Elle a commencé à louer des espaces de travail qui exigeaient que toutes les organisations qui y travaillaient partagent leurs ressources : machines à café, photocopieurs, bureaux. En 2004, cet espace est officiellement devenu le premier espace de co-travail au Canada. Elle a ensuite commencé à mettre en place des initiatives communautaires, telles que des repas-partage dans l'espace de travail et des discussions de groupe pour résoudre les inconvénients naturels liés au partage d'un lieu de travail, comme l'espace dans le réfrigérateur et les disputes futiles sur le moment où il fallait remplacer les filtres à café. 

Au fil du temps, quelque chose de radical a commencé à se produire. Les gens ont établi des relations de confiance avec celle et ceux avec qui ils partageaient leur espace et ont commencé à s'engager dans des actions plus importantes, comme le partage d'idées et la collaboration entre organisations. Cela n'a été possible que grâce à des initiatives lentes, intentionnelles et axées sur la communauté. Le système de Tonya était simple : réunir des personnes qui se soucient de ce qu'elles font autour d'une grande table ronde, métaphorique ou littérale, et encourager constamment la vulnérabilité, ce qui est un acte radical quand on considère à quel point on nous demande d'être rigides et organisés au travail. Consciente que c'était une cause autour de laquelle les organisations à but non lucratif seraient prêtes à se rallier, Tonya a créé le tout premier Community Bond au Canada et a réuni suffisamment de fonds pour acheter un bâtiment dans le centre-ville de Toronto en 2010. Depuis lors, le CSI a pu soutenir plus de 1 000 organisations à but non lucratif, dont 49 % d'entrepreneurs PANDC et 60 % de femmes entrepreneurs, des statistiques sans précédent.

Mais comme pour tout le reste, la COVID-19 a eu un impact considérable sur le modèle du CSI, les obligeant à fermer une grande partie de leurs activités, y compris leur expansion sur le marché américain avec leur bureau de New York. Contrainte de réduire ses effectifs, Tonya est revenue à ce qui a fait le succès du CSI à ses débuts, à savoir sa capacité à s'appuyer sur son cercle. Depuis cette année, le CSI rétablit officiellement ses liens avec la communauté, avec pour objectif de devenir une entreprise détenue à 100 % par la communauté. La seule façon d'y parvenir est de s'engager à bâtir une entreprise autour des communautés qu'elle sert. Lorsque les gens ont confiance en un cercle commun et prennent des décisions en équipe, des changements radicaux sont possibles, et avec eux, une communauté qui résistera aux difficultés du monde moderne. Il est plus important que jamais de rechercher le soutien des autres et de nous permettre d'être ce soutien, même si cela implique de surmonter nos propres angoisses. Lorsque nous trouvons notre cercle, nous pouvons commencer à construire quelque chose qui nous dépasse, et cela fait de notre lieu de travail un endroit où il fait bon vivre. 

Ubuntu - soutenir les services de soins dans un cadre afrocentrique pour les étudiant.e.s noir.e.s   

u'est-ce que l'Ubuntu?  

L'Ubuntu est la conviction que nous existons grâce à l'humanité des autres. Dans les espaces universitaires, cette philosophie met en avant la nécessité d’un soutien aux étudiant.e.s noir.e.s qui soit centré sur la communauté, dans un cadre afrocentrique. 

Le cadre afrocentrique est conçu pour : 

  • Utilisation dans le cadre d’un travail avec des étudiants noir.e.s 
  • Soutien aux étudiant.e.s noir.e.s afin qu'ils/elles ne se sentent pas seul.e.s 
  • Approche collective/centrée sur la communauté 

Le Black Student Success Network (BSSN) a réfléchi à son rôle de travailleur social, de conseiller et d’éducateur dans ce cadre, et sur la manière dont les ressources nécessaires sont fournies à leurs étudiant.e.s afin qu’ils puissent s'épanouir dans un monde marqué par le racisme anti-Noir.e.s, dans une approche globale du campus.  

Que signifie une approche globale de la santé mentale et du bien-être sur un campus? Naiima Farah, une travailleuse sociale qui a travaillé au Collège George Brown en tant que conseillère, a déclaré : « [Une approche globale] signifie que nous devons toutes et tous tenir compte de la foi, du respect et de la dignité de chacun.e dans la création de ces cadres. Ainsi, le respect dans le cadre afrocentrique ne s'applique pas seulement aux relations humaines, mais s'étend également à la manière dont nous traitons l'environnement, car même l'environnement mérite notre respect ».

Pourquoi un cadre afrocentrique? 

Pourquoi ce cadre existe-t-il? Malheureusement, en raison des conséquences du racisme anti-Noir.e.s, la réalité des étudiant.e.s noir.es sur le campus peut être marquée par l'inégalité et les microagressions. Il s'agit donc de passer d'un chemin d'inégalité à l'éducation vers un environnement épanouissant. 

Les applications d'un cadre afrocentrique pour motiver et aider les étudiant.e.s noir.e.s à réussir dans l'enseignement supérieur comprennent : 

  • Des approches somatiques (outils de gestion du stress et d'adaptation) 
  • Des retraites dans la nature (aide à développer un sentiment d'appartenance) 
  • Des ateliers d'écriture (valorisation de l'expression) 
  • Des cercles de guérison (création d'une communauté et d'outils pour s'épanouir)  

Réflexion  

Le BSSN a eu un impact considérable sur la vie des étudiant.e.s. Un participant à la session a partagé son expérience : « Je suis arrivé au Canada en tant qu'étudiant international et je n'avais pas d'amis dans la communauté, mais ces espaces étaient comme un sanctuaire pour moi. C'était un endroit où je pouvais m'exprimer sans avoir à me justifier à chaque fois. Je me suis senti chez moi dès que j'ai franchi le seuil de cet espace. Cela a été le cas dès le premier jour, et même maintenant que je suis [ancien élève], je continue de bénéficier du même soutien ».  

Il est essentiel d'appliquer les principes et les connaissances de l'Ubuntu dans notre vie quotidienne et de reconnaître le cadre afrocentrique dans les espaces éducatifs. Pour perpétuer cet héritage, comment allez-vous mettre en pratique et appliquer l'Ubuntu dans votre communauté et dans votre vie? 

L'éthique dans l'éducation face à l'intelligence artificielle  

Que vous vient-il à l'esprit lorsque vous entendez « intelligence artificielle »? 

Pensez-vous à l'évolution rapide des technologies? À Chat GPT? Aux changements climatiques? Aux images et vidéos truquées publiées sur Facebook et qui suscitent des milliers de réactions et de commentaires? Tout cela, et bien plus encore, serait tout à fait légitime. L'IA est l'un de ces sujets brûlants qui semblent avoir envahi tous les aspects de notre vie, du jour au lendemain. Au travail, nous craignons que l'IA ne remplace des emplois. Dans notre vie personnelle, nous pouvons profiter des avantages qu'elle nous apporte en nous aidant à accomplir des tâches que nous préférons ne pas faire. À l'école, nous nous demandons quel sera son impact sur les élèves qui ont désormais l'IA à portée de main. Il peut être très controversé d'envisager l'impact que l'IA aura sur les générations futures qui grandiront avec elle, ainsi que sur tou.te.s celles et ceux qui doivent aujourd'hui déterminer comment elle s'intégrera dans leur vie. Que cela nous plaise ou non, l'IA est là pour rester. Nous pouvons choisir de l'accepter ou risquer d'être laissés pour compte.  

Alors, comment l'accepter? C'est une question à laquelle de nombreux chercheur.euse.s et universitaires tentent de répondre. En fait, si vous faites une recherche sur Facebook, Instagram ou TikTok en ce moment, je parie que vous trouverez un.e enseignant.e qui explique comment il/elle a remarqué que ses élèves utilisent Chat GPT pour rédiger leurs dissertations ou répondre à des questions en classe. Même les professionnel.le.s en activité s'appuient plus que jamais sur cette technologie. Cela fait craindre que cette utilisation de l'IA ne devienne une dépendance, ou qu'elle le soit déjà. Les élèves du primaire ont un niveau de lecture inférieur à celui des générations précédentes, et les enseignant.e.s du supérieur constatent que leurs étudiant.e.s rendent des devoirs qui se ressemblent étrangement, avec un manque flagrant d'individualité. Afin de remédier à ces problèmes, des enseignant.e.s tels que Dinuka Gunaratne, directeur du développement de carrière à la Northeastern University, et la prof. Karine Coen-Sanchez, sociologue, ont élaboré des cadres permettant de déterminer si l'utilisation de l'IA favorise ou remplace la pensée critique humaine.  

« En tant qu'enseignant.e.s, nous devons apprendre et nous lancer. Je ne peux pas me permettre de devenir paresseux, car si je le fais, mes élèves le deviendront très certainement ».  -Dinuka Gunaratne  

Voici quatre principes fondamentaux de l'éthique de l'IA à prendre en considération, ainsi que quelques questions importantes à se poser : 

1. Transparence : pouvez-vous expliquer comment fonctionne le programme d'IA? Si ce n'est pas le cas, quelles informations manquent et quelles ressources sont disponibles pour combler ces lacunes? Nous ne pouvons pas nous donner les moyens d'utiliser l'IA si nous ne sommes pas prêt.e.s à faire le travail nécessaire pour acquérir une compréhension de base de celle-ci.  

2. Équité : comme dans tous les autres aspects de la vie, il y aura toujours des questions d'équité quant à qui conçoit l'IA et qui peut ensuite l'utiliser. Comment pouvons-nous soutenir celles et ceux qui ne font pas partie du groupe démographique des personnes qui conçoivent l'IA? Qu'en est-il de celles et ceux dont la langue maternelle n'est pas la même que celle de l'IA qu'ils utilisent? La mise en place de stratégies visant à combler ces lacunes permettra à chacun.e de profiter des avantages de l'IA. 

3. Centrée sur l'humain : lorsque l'on travaille avec l'IA, quel est l'objectif du résultat? Est-elle utilisée pour penser à votre place, ou pour enrichir et colorer la créativité et les pensées originales de l'utilisateur.trice? L'IA peut nous aider à développer ce que nous créons, mais elle ne peut pas inventer des idées à notre place. La prof. Karine Coen-Sanchez propose à ses étudiant.e.s un excellent exercice : ils/elles doivent rédiger un devoir sans IA, puis demander à l'IA de rédiger le même devoir, et enfin présenter toutes les raisons pour lesquelles les deux versions du devoir sont différentes l'une de l'autre. Cela encourage une réflexion approfondie sur les façons dont l'IA aide, mais aussi sur ses lacunes. 

4. Confidentialité : les politiques de confidentialité des programmes d'IA sont-elles claires sur la manière dont les données des utilisateur.trice.s sont utilisées? Si ce n'est pas le cas, il est important d'être prudent.e quant au type d'informations saisies dans l'IA, afin de garantir le respect de la vie privée. En nous appuyant sur ces principes directeurs, nous pouvons structurer une question qui semble souvent trop vaste pour être abordée. De plus, cela recentre la valeur de la pensée humaine, que l'IA peut aider à étendre et à développer. De nombreuses critiques justifiées peuvent être formulées sur la manière dont l'IA est actuellement utilisée dans toutes ses itérations. Néanmoins, si nous tenons pour responsables celles et ceux qui conçoivent les algorithmes, ainsi que nous-mêmes, nous pouvons nous lancer dans la formidable entreprise qui consiste à entrer dans la prochaine phase du monde technologique, de manière éthique et équitable. 

Laissons les étudiant.e.s en arts libéraux travailler!   

Soyons réalistes, les diplômes en arts libéraux ont mauvaise réputation. Il existe une blague récurrente qui dit en substance : « Que vas-tu faire avec un diplôme en anglais/histoire/philosophie une fois obtenu? », sous-entendant que ces diplômes ont moins de valeur parce qu'ils n'offrent pas de perspective professionnelle claire, ou pire encore, que les personnes qui obtiennent ces diplômes sont inemployables. C'est encore pire si quelqu'un obtient un master ou, que Dieu nous garde, un doctorat dans le domaine des arts. Mais ce n'est pas juste, et ce n'est certainement pas vrai.  

Les études supérieures, en particulier les programmes de master et de doctorat, offrent aux étudiant.e.s la possibilité d'explorer leurs passions de manière approfondie et significative. Certains diront que cela rend les candidat.e.s moins polyvalents, mais c'est sans tenir compte des compétences fondamentales acquises dans le cadre de ces études. Ces programmes aident les étudiant.e.s à affiner leur capacité de concentration en focalisant leur attention sur un domaine qui les passionne. Le processus de recherche leur apprend la rigueur et la patience, et les aide à développer une solide éthique de travail. Une éthique qui les aide à persévérer, même lorsque leur passion pour les sujets qu'ils étudient connaît des hauts et des bas. Cela les aide également à maitriser leur domaine, apportant une mine d'informations hautement spécialisées à leur domaine. Sans oublier le fait que les arts touchent notre cœur et notre esprit comme aucune autre matière ne le fait. Ils nous permettent de faire preuve d'humilité, de puiser dans des siècles de sagesse et de réfléchir sur nous-mêmes d'une manière qui nous aide à devenir des personnes plus saines et plus équilibrées. Citez-moi une autre matière qui offre une telle compréhension de l'esprit et de l'âme humaine que l'histoire, la psychologie et la philosophie; j'attends.  

Malgré tout cela, les employeurs hésitent à embaucher des personnes ayant un long parcours universitaire lorsqu'elles sont issues d'une formation artistique. Les raisons sont nombreuses. D'une part, il y a les perceptions mentionnées précédemment concernant le manque de valeur académique des études artistiques. D'autre part, il y a des aspects du travail que les établissements ne peuvent tout simplement pas enseigner, comme l'explique Andrew Bieler, directeur des partenariats et de l'apprentissage expérientiel à la Business & Higher Education Roundtable (BHER) : « Les employeurs recherchent des étudiant.e.s doté.e.s de compétences humaines, et celles-ci ne sont souvent pas enseignées dans les programmes d'études supérieures. Nous devons faire sortir les étudiant.e.s sur le marché du travail, où ils/elles peuvent vraiment s'immerger et construire ce pont entre l'institution et le monde professionnel ».  C'est regrettable, mais c'est la réalité. Se plonger dans les livres apporte beaucoup en termes de connaissances, mais cela ne contribue guère à développer les compétences sociales, qui sont également essentielles pour établir des relations professionnelles. Il suffit d'un premier emploi pour commencer à étoffer son CV et commencer à bâtir une carrière véritablement durable. 

Mais il semble y avoir un écart entre le nombre de titulaires de maîtrise et de doctorat prêt.e.s et aptes à travailler et le nombre d'employeurs disposés à les embaucher. C'est là qu'interviennent des organisations comme la BHER. Leur mission est de comprendre et de combler cet écart, et elles ont fait d'énormes progrès dans ce sens. Grâce à leur travail avec les universités et les employeurs de tout le Canada, ils ont pu aider de nombreux étudiant.e.s à trouver un emploi qui leur correspond. Grâce à la collaboration entre les institutions et les entreprises, ils s'efforcent de fournir les ressources nécessaires à une relation mutuellement bénéfique. Parmi les participant.e.s au programme BHER, 90 % des étudiant.e.s se disent optimistes quant à leurs chances de réussite sur le marché du travail, et 85 % des employeurs déclarent avoir renforcé leur partenariat avec un établissement d'enseignement supérieur.

Il s'agit là d'une situation gagnant-gagnant, mais comme pour tout, il faudra beaucoup plus d'efforts pour inverser la tendance après des années de mauvaise promotion des arts et des étudiant.e.s qui les étudient. Les étudiant.e.s en arts libéraux sont prêt.e.s, disposé.e.s et capables d'apporter une contribution considérable au monde du travail, et ils/elles méritent d'avoir la possibilité de le prouver. Rendons donc hommage aux arts et à ceux qui se battent pour leur donner la chance de briller. 

Naviguer au travers de la liberté d'expression : leçons tirées de l'exil, de la censure et des communautés divisées  

Comment favoriser un dialogue ouvert et respectueux à une époque marquée par la polarisation, la censure et les tensions sociales? Lors de la table ronde organisée par PEN intitulée « La liberté d'expression en période de troubles », trois personnalités remarquables, Luis Najera, Tala Motazedi et Gordana Icevska, ont partagé les enseignements durement acquis au cours de leur vie et de leur carrière, passées à naviguer aux frontières de la liberté d'expression. Modérée par la professeure Paula Applebaum, la discussion a offert un regard franc, honnête et profond sur les défis et les possibilités du dialogue démocratique aujourd'hui. 

Luis Najera, journaliste criminel et romancier mexicain, a décrit son parcours inattendu, qui l'a mené de journaliste sportif en herbe à analyste criminel et porte-parole de la police. Envoyé pour suivre des policiers à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, Luis Najera a été témoin de la relation complexe, parfois dangereuse, entre les forces de l'ordre et les communautés qu'elles servent. 

« J'ai commencé par écrire sur le basket-ball, mais lorsque j'ai suivi la police pendant un service de nuit, j'ai vu de près la réalité du crime et de la corruption. Cette expérience m'a changé et a changé ma façon de faire journalisme. Elle m'a appris que pour être proche d'un sujet, il faut comprendre l'aspect humain, pas seulement les gros titres. » — Luis Najera 

Les reportages de Luis Najera l'ont souvent mis en danger, mais ils ont également renforcé l'importance de dire la vérité et les risques auxquels sont confrontés les journalistes dans les pays où le crime organisé et le pouvoir étatique s'entrecroisent. Son livre coécrit avec Peter Edwards, The Wolfpack, explore ces thèmes et est disponible à la bibliothèque publique de Toronto

Survivre à la censure : le point de vue de Tala Motazedi  

Pour Tala Motazedi, scénariste et romancière queer originaire d'Iran, la lutte pour la liberté d'expression est profondément personnelle. Motazedi a raconté les « années sombres » de la censure qu'elle a subie sous le régime islamiste iranien, où s'exprimer sur son identité ou les droits humains pouvait signifier l'emprisonnement, voire pire. 

« En Iran, nous vivions dans l'obscurité. Ils censuraient tout : les films, les livres, même les conversations. Des amis ont été emprisonnés ou tués pour leur travail. Je ne pouvais pas parler de ma véritable identité, mais j'étais quand même persécutée simplement pour avoir dit la vérité et réclamé justice. Arriver au Canada, c'était comme entrer dans la lumière. Ici, je peux m'exprimer librement, et c'est quelque chose que je ne tiendrai jamais pour acquis. Je dis aux gens : « C'est incroyable comme on est en sécurité ici ! » Ils sont surpris et me répondent que c'est normal. Pas pour moi, cela ne me semble toujours pas normal. » —Tala Motazedi  

Les films de Motazedi, autrefois interdits en Iran, sont désormais accessibles au public du monde entier. Son parcours met en lumière à la fois la résilience des artistes sous la répression et le pouvoir transformateur de trouver un espace sûr pour créer et partager des histoires. Pour en savoir plus sur les réalités de la censure en Iran, consultez les ressources de PEN America

Combler les fossés : le reportage transfrontalier de Gordana Icevska 

Gordana Icevska, journaliste d'investigation originaire de l'ex-Yougoslavie, a partagé une histoire poignante de son expérience de reporter en Macédoine. Avec un collègue d'origine albanaise, elle a décidé de couvrir des événements dans leurs communautés respectives afin de combler le fossé entre les populations macédonienne et albanaise, dont les médias et les modes de vie s'opposaient.  

« Nous pensions connaître notre pays, mais lorsque nous avons visité les villages de l'autre, nous avons été confrontés à la méfiance et aux préjugés. La seule connaissance que les gens avaient de « l'autre camp » venait de la télévision. Cela nous a fait prendre conscience à quel point nous nous comprenions peu et à quel point il était important de raconter nos histoires respectives. » — Gordana Icevska 

Leurs reportages, publiés par l'Institute for War & Peace Reporting, visaient à remettre en question les stéréotypes et à favoriser l'empathie entre des communautés profondément divisées. 

L'éducation comme moyen d'autonomisation  

Tout au long de la discussion, les panélistes ont convenu que l'éducation est essentielle pour permettre aux individus d'exprimer des opinions diverses, de poser des questions difficiles et de participer pleinement à la vie démocratique. Mais ils ont également reconnu les obstacles (politiquement correct, autocensure et inégalités systémiques) qui peuvent limiter la portée des voix, ainsi que les défis croissants liés à l'évolution technologique, notamment l'intelligence artificielle et les menaces qu'elle fait peser. 

Comme l'a souligné le professeur Applebaum, des programmes tels que le PEN Writer-in-Residence de George Brown aident les étudiant.e.s et les enseignant.e.s à relever ces défis en apportant une expérience du monde réel dans les salles de classe. 

Perspectives d'avenir  

Le panel s'est conclu par des appels clairs à l'action : continuer à promouvoir un dialogue ouvert, écouter au-delà des différences et protéger les droits de celles et ceux dont les histoires sont les plus difficiles à raconter. Dans un monde où la liberté d'expression n'est jamais garantie, leurs expériences nous rappellent que la lutte pour un dialogue ouvert et démocratique est à la fois urgente et permanente. 

Pour en savoir plus sur la liberté d'expression et le soutien aux écrivain.e.s en danger, consultez les sites PEN International et Canadian Journalists for Free Expression